Le chauffage urbain
Le tableau ci-dessous permet de comparer quatre modes de chauffage urbain envisageables en ville pour la réhabilitation ou la rénovation des bâtiments existants. Chacune de ces quatre solutions ont le point commun d'utiliser l'eau comme véhicule thermique à la source chaude et de distribuer l'eau jusqu'aux immeubles par des réseaux de tuyauteries. Ces quatre solutions peuvent assurer le chauffage urbain à un coût du kWh thermique moindre pour l’utilisateur par rapport aux solutions actuelles et ceci sans recourir à des solutions aussi catastrophiques sur la plan environnemental que celles envisagées avec le gaz de schiste risquant de polluer dangereusement nos nappes libres et les rivières en communication avec elles. La ville de Zurich prise pour exemple dans les deux colonnes de gauche de ce tableau assure partiellement son chauffage urbain par deux centrales thermiques d'une puissance de 40 MW unitaire basées sur la combustion du bois pour l'une et des ordures ménagères pour l'autre. Celle utilisant la combustion des ordures présente un avantage par rapport aux centrales de la compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU) notamment de la centrale d'Issy les Moulineaux: Elle n'a pas besoin d'un apport de gaz pour assurer la combustion du fait de l'air pulsé à la partie inférieur du foyer. Le principe utilisé pour le chauffage des locaux dans la troisième colonne utilise directement les réserves thermiques naturelles du sous-sol grâce à un forage profond. Quant au chauffage thermodynamique de la dernière colonne c'est d'une façon indirecte et avec l'aide de l'électricité que la pompe à chaleur à compresseur est capable de prélever dans son proche environnement une énergie thermique renouvelable abondante et gratuite
Mode |
Combustion |
Thermodynamique
|
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Energie
primaire |
Du bois |
Des ordures (entretien
de la combustion avec de l’air pulsée sans apport de gaz) |
Eau
chaude de la nappe captive |
Electricité
+ eau froide de la rivière (Plutôt que celle de la nappe libre en
communication avec elle2) |
Energie
secondaire (production) |
Sensiblement
le même pour des deux modes, à savoir : Electricité (35%) et chaleur
(75%) |
Chaleur
uniquement. (La
température exigée pour la production d’énergie électrique est souvent trop
élevée) |
Chaleur
uniquement |
|
Aspect
environnementale |
Traitement
des gaz brulés |
Energie
propre totalement décarbonée |
Energie
totalement propre si électricité d’origine éolienne, hydrolienne ou
hydroélectrique sinon légère production de GES de l’énergie électrique
nucléaire |
|
Rentabilité
et continuité de fonctionnement |
Seulement
l’hiver (non rentable l’été) |
Envisageable
toute l’année |
Toute
l’année |
Toute
l’année |
Renouvelable ? |
Oui pour un pays comme la Suisse Non en France où les fluides utilisés
pour le chauffage urbain par cogénération
notamment en Ile de France sont encore
souvent le fioul ou le gaz |
Non
(selon les experts la nappe captive se refroidi progressivement au fil des
années) |
Oui |
|
Aspect
quantitatif |
Les
réserves de bois bon marché en France sont importantes (Forêt landaises) mais
sont-elles d’une qualité suffisante ? |
Les
700 kg d’ordure3) annuel par habitant ne permettent pas d’assurer
la totalité du besoin thermique de la ville |
La
puissance disponible est considérable mais limitée dans le temps pour la
raison ci-dessus |
Eau :
Le débit des fleuves traversant les villes est suffisant pour assurer le
besoin global. Quant à la mer la réserve thermique est probablement encore
plus importante si les côtes sont parcourues, par des courants marins |
Difficulté
de mise en œuvre |
Système
connu |
Tri
des ordures, traitement de l'air, évacuation des imbrulés |
Forage
et corrosion |
Choix
fluide caloporteur, système multi-techniques |
Réalisations
en France |
|
L’exemple
de Soultz-sous-Forêts |
Equipement Dalkia à Cherbourg. (chauffage
avec l’eau de mer) Autre
équipement à la Seyne sur mer |
|
Réseau de
tuyauterie |
Calorifugé
(La température au départ la centrale ou de la nappe captive pouvant être
sensiblement supérieure à 90 °C) |
Non
calorifugé (La température de départ étant celle du fleuve) |
||
Chaufferie
de chaque immeuble |
Elle très simple et pratiquement inexistante avec un investissement de départ très faible (Principalement compteur d’évaluation des quantités d’eau chaude livrées, échangeurs de température à contre-courant éventuels et valve 3 voies) |
Pompe
à chaleur eau-eau (aquathermique) |
||
Facturation
de l’eau (l’eau étant
en elle-même gratuite) |
Basée
sur l’amortissement du réseau de tuyauteries et sur la quantité d’énergie
thermique contenue dans l’eau chaude livrée pour l’ECS et le chauffage. |
Basée
uniquement sur l’amortissement du réseau de tuyauteries d’eau froide non
potable4) |
1) Chacun sait
que le centre de la terre est constitué de roches en fusion. L’élévation de
température en fonction de la profondeur n’est pas très importante (3 à 4°C par
100 m). Ceci explique pourquoi il fait si chaud au fond des puits de mines qui
sont pourtant encore bien loin de la roche en fusion. L’homme a toujours
cherché à récupérer cette chaleur. Cette récupération a souvent été facilitée
par l’eau qui favorise les échanges thermiques. L’eau souterraine emmagasinée
dans une nappe captive perméable est emprisonnée entre deux couches
imperméables qui se sont constituées dans la formation géologique. De ce fait
l’aquifère est mis en pression par la charge hydraulique de l’eau qu’il
contient. La charge hydraulique est déterminée par la cote piézométrique
dans les parties libres de l’aquifère captif. Lorsqu’un forage atteint une
nappe captive l’eau remonte brusquement dans le forage et se stabilise sur le
niveau piézométrique. Si le niveau piézométrique se situe au-dessus de la
surface du sol, l’eau jaillie naturellement ont dit que le forage est artésien.
La surface piézométrique informe sur la profondeur à partir de laquelle on peut
pomper l’eau dans un forage. Avec la géothermie profonde on a depuis longtemps
réussi à récupérer la chaleur en faisant passer directement de l’eau froide à
contrecourant de l’eau chaude pompée dans un échangeur de chaleur. L’expérience
des forages encore plus profonds de 4 à 5000 m acquise dans le cadre de la
recherche pétrolifère par des précurseurs tels que les frères Schlumberger
permet d’aller chercher l’eau là où sa température, voisine de 200 °C,
rend possible le fonctionnement de turbine à vapeur productrice d’électricité.
En complément
des difficultés dues au forage le calorifugeage de l'exhaure doit être effectué
avec soin. Sur ce genre d'équipement, certaines zones sont plus chaudes que
d’autres, particulièrement les zones volcaniques. L’Islande par exemple est
particulièrement favorisée avec ses nombreux geysers et de nombreuses piscines
à l’air libre y sont chauffées par ce procédé très bon marché.
En France des
veines d’eau chaude stagnent dans des régions de terrains sédimentaires comme
le Jura, le bassin aquitain ou le bassin parisien. Une infime partie de ce
véritable « trésor énergétique » est aujourd'hui exploitée. Le Bureau
de recherches géologiques et minières (BRGM) attire depuis
longtemps l’attention sur le fait que la région Ile-de-France recèle des
bassins sédimentaires aquifères ayant des ressources d'eau chaude. C’est
certainement sur leurs conseils et recommandations qu’après les deux chocs
pétroliers de 1973 et 1979, l’état a incité les collectivités d’Ile-de-France à
se lancer dans des opérations de géothermie profonde au début des années 1980.
Quelques municipalités notamment en Ile-de-France ont été maîtres d'ouvrage d’une cinquantaine d’opérations.
Quarante-cinq réseaux de chaleur seront ainsi installés. La chute du cours du
pétrole en 1986 a stoppée net le développement de la filière et n’a pas incité
les pouvoirs publics à soutenir la maintenance des exploitations existantes. Il
faut dire que les difficultés techniques rencontrées en raison de la corrosion
des tubes métalliques ont affectées le développement de ces procédés.
Cependant, malgré ces difficultés et grâce à la région qui a soutenu
l’exploitation des réseaux existants, près des 2/3 des puits géothermiques
construits à cette époque sont encore en exploitation les 1/3 restant étant
tout simplement laissé à l’abandon. Le captage de l’eau de ces aquifères
nécessite la mise en place de forages profonds et des investissements
importants. Alors que l’aquathermie superficielle et
la mise en place d’une pompe à chaleur sur nappe libre est à
l’échelle d’un immeuble comprenant une centaine d’appartements, il n’en est pas
de même de l’aquathermie profonde qui ne peut se
justifier que pour un minimum de 4 000 à 5 000 logements en raison
des forages profonds et des travaux coûteux qu’elle nécessite. Avec un prix du
baril qui a frôlé les 150 dollars et des prévisions à la hausse les temps
changent et de telles réalisations seront probablement mise en œuvre par des
municipalités dynamiques. Les installations encore en fonctionnement prouvent
en effet qu’avec un prix de revient inférieur au gaz, l’aquathermie
profonde est autant intéressante pour l’exploitant que pour l’utilisateur.
Se pose malheureusement le coût élevé des forages où la concurrence entre les
nombreuses entreprises compétentes n'est pas suffisante au détriment de la
baisse des prix du développement technique.
2) Il est important de ne pas confondre la géothermie
profonde haute température qui utilise directement l’eau comme véhicule
thermique et le chauffage thermodynamique basé sur l’aquathermie
superficielle basse température qui nécessite une pompe à chaleur(colonne
de droite).
La géothermie
profonde est comparable pour l'utilisateur au chauffage urbain généré par les
centrales à combustion puisqu'elle consiste à faire circuler dans un échangeur
de température de l'eau chaude à contrecourant de l'eau alimentant les
radiateurs ou les planchers chauffants (voire dans certain cas à alimenter
directement ces émetteurs thermiques par l'eau chaude provenant de la
centrale). Alors que l'utilisateur est son propre producteur d'énergie dans le
cas de la thermodynamique (géothermie superficielle), il dépend d'un exploitant
dans le cas de la géothermie profonde ou du chauffage urbain obtenu par la
combustion. A noter que la France est sensiblement en retard pour le chauffage
urbain par rapport à la Suisse en avance dans ce domaine. Comme pour la pompe à
chaleur sur nappe superficielle, se pose le problème de la pérennité du débit
et le risque de ne pas obtenir, lors d’un forage, une ressource en eau
présentant des caractéristiques de débit et de température suffisantes pour
assurer la rentabilité de l’opération projetée. Dans le cas de la pompe à
chaleur sur nappe, la présence de la rivière à proximité de l'habitation est
une garantie de pérennité.
3) dont 350 kg de déchets ménagers,
170 kg de papier carton, 120 kg de plantes en provenance des jardins, 45 kg de
verre, 15 kg d'appareils électroniques et plastiques et enfin 6 kg de textiles.
4) Majoré éventuellement des
dispositifs thermiques permettant d’augmenter la température de l'eau avant
l'évaporateur ceci pour améliorer le COP de la pompe à chaleur
Centrale de 40
MW assurant le chauffage urbain par la combustion des ordures dans la proche
banlieue de Zurich
Au moment où l'exploitation
éventuelle du gaz de schiste fait débat, il est important de dire que les
chaînes énergétiques décrites dans le tableau ci-dessus sont assurément plus
intelligentes pour le chauffage urbain que la combustion du pétrole ou du gaz.
Ceci pour au moins 3 raisons :
- Les forages nécessités par la géothermie profonde sont moins complexes que ceux nécessités par l’exploitation du gaz de schiste du fait des pressions très élevées et de la partie forée horizontalement
- Le risque de pollution des nappes d’eau, qu’elles soient captives et profondes ou bien libres et superficielles sont inexistants ce qui est loin d’être le cas avec la fracturation rocheuse nécessité par l’exploration du gaz de schiste.
- On ne voit pas comment la France pourrait respecter ses engagements européens de réduction des gaz à effet de serre (GES) en continuant à utiliser la combustion du gaz même s’il est reconnu que la combustion du gaz naturel génère sensiblement moins de GES que le charbon ou le fioul
De tous les modes de chauffage
la géothermie profonde est incontestablement la championne pour notre
environnement et la qualité de l'air puisqu'elle ne génère ni gaz à effet de
serre et ne nécessite pas de traitement de l'air indispensable avec les gaz
brulés de la combustion. Le tableau ci-dessous compare les qualités
environnementales de chacune des solutions envisageables pour le chauffage
urbain.
Combustion
Géothermie profonde
Effet Joule
Thermodynamique
Energie
Houille
Fioul
Gaz
NaturelOrdures**
Prélevée dans l'eau chaude des nappes captives
Electricité
directePompe
à chaleurGrammes de CO2
par kWh produit1075
466
242
170
Pas de GES
180*
180/COP
* Source Ademe et MEDAD. pour la France. Ce coefficient, variable selon les pays, dépend de la chaîne énergétique utilisée pour générer l’électricité.
Le célèbre institut suisse Paul Scherrer a déterminé que les émissions de gaz à effet de serre n’étaient que de 8g deCO2 par kWh pour la production électrique d’origine nucléaire alors qu’elles monteraient à 17g/kWh pour l’électricité d’origine éolienne et à 78 g/kWh pour l’électricité d’origine voltaïque.
** Valeur valable en France où seulement 60% à 70% de l'énergie est obtenue par la combustion des ordures, le complément étant assuré par le gaz ou le fioul pour entretenir la combustion
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|
Les
forages
1 au
niveau des plaines alluviales sont du domaine de l'aquathermie
superficielle. Ils mettent en jeu des pompes à chaleur destinées à une maison
ou un immeuble. Dans les villes peu où la surface manque, ils pourraient être
évités en prélevant l'eau directement dans le fleuve ou la rivière.
Dans le cas de la géothermie profonde 2 (eau
chaude) ou très profonde 3 (vapeur
d'eau surchauffée) un seul forage suffit à alimenter un quartier entier
comprenant de nombreux immeubles. Selon les singularités du sous-sol, il
arrive parfois comme à Chaudes-Aigues que la présence d’eau qui stagne à
2000m dans les couches profondes de notre sol se rapproche de la surface. Ainsi la région Ile-de-France, du fait de sa grande
densité de population et de l'existence d'une importante ressource d’eau
chaude dans son sous-sol, semble la plus à même d’investir dans la
géothermie. Selon les propos de Guy Simenot,
délégué régional de l’Ademe, « l’Ile-de-France est
la terre de la géothermie ». Le conseil régional y consacrera donc, avec l'Ademe, environ 22 millions d'euros sur la période
2008-2013 répartis sur douze opérations comprenant six réhabilitations et six
nouveaux chantiers qui permettront de raccorder au minimum l'équivalent de 30
000 nouveaux logements. |
Avec
le chauffage urbain utilisant la combustion des ordures ménagères tel que
cela se pratique par exemple en région parisienne (CPCU) l'eau chaude
alimentant les immeubles est générée par une centrale de production. Sa
distribution est assurée par un réseau de tuyauteries particulièrement bien
isolées thermiquement (similaire à celui prévu pour la géothermie profonde) |
Un point
important concernant l'écosystème constitué par la rivière et son
sous-sol : Alors que le chauffage thermodynamique (aquathermie
superficielle) refroidi notre environnement, l’aquathermie
profonde risque de le réchauffer. Le rejet doit donc être assuré dans la même
couche afin et de pas perturber l'écosystème constitué par la rivière et son
sous-sol. Une température de rejet trop élevée dans les couches superficielles
entraîne en effet inévitablement une teneur en oxygène dans l'eau rejetée trop
faible et une accélération microbienne importante. Le circuit
hydraulique est plus simple pour la
copropriété dans le cas de la géothermie profonde ou du chauffage urbain
utilisant la combustion.
Les Lutins
thermiques estiment que nous sommes en retard techniquement par rapport à nos
voisins suisses pour le chauffage urbain lorsque les centrales utilisent la
combustion.
Nos capacités
d'innovation sont aussi trop lentes selon eux lorsqu'il s'agit de techniques
pourtant connues telles que le chauffage thermodynamique. Si l'on conserve ceux
qui sont aux commandes, ils estiment que - sauf à reconsidérer complètement les
critères de progression - ce n'est pas en rebaptisant l'AFPAC en INPAC que l'on
va faire progresser ces techniques où nous pourrions avoir une place de
leader.
Ils en
profitent pour nous rappeler la phrase du secrétaire général de l'OCDE:
" Il vaut mieux
faire partie de ceux qui établissent les règles plutôt que d'être parmi ceux
qui font le choix de les adopter" .