Modélisation du système

Pompe à chaleur - immeuble

Le problème du surdimensionnement

Le surdimensionnement fréquent des chaufferies trouve son origine dans le fait que les chauffagistes ou les bureaux d'étude ont pour habitude de prendre des "marges" pour "être sûrs". L'installation réalisée est souvent plus grosse que le besoin réel. Ainsi, personne n'appelle jamais son chauffagiste pour se plaindre du froid et les logements sont trop souvent en surchauffe alors que la loi interdit de se chauffer à plus de 19°C !  Pour cette raison les chaudières fonctionnent trop souvent à charge partielle avec un rendement dégradé. Par habitude, lorsque le chauffage thermodynamique a fait son apparition, les bureaux d’étude ont continué à sur dimensionner les équipements avec les conséquences désastreuses qui en ont résulté pour la régulation des pompes à chaleur.

 

La puissance thermique dissipée par le bâti d'un bâtiment à chauffer (Besoin thermique) est directement proportionnelle à la différence de température entre la température intérieure (Exemple pour 20°C) et la température extérieure.  Le principe de conservation de l'énergie appliqué au fluide caloporteur d'une pompe à chaleur permet d'écrire que cette puissance perdue dans le bâti est égale à  la puissance prélevée dans l 'environnement (ENR) indiquée en gris (En gris clair avec un prélèvement dans l’air pour les températures supérieures à 5 °C et en gris foncé avec un prélèvement dans l’eau  pour les températures inférieures) majorée  de la puissance électrique utile au compresseur* (hachures).

 

* Cette puissance électrique est convertie en énergie mécanique par le moteur électrique d'entrainement du compresseur avant d'être transformée en chaleur lors de la compression du fluide caloporteur à l'état gazeux.

A noter que cette consommation électrique payée par l'utilisateur est fournie directement sous forme thermique par la combustion du gaz dans le cas des pompes à chaleur à absorption. Ces dernières, en raison d'un COP légèrement inférieur à celui des  PAC à compresseur, prélèvent un peu moins  d'énergie dans l'environnement (ENR). Elles sont aussi moins intéressantes en termes d'émission de gaz à effet de serre que les PAC à compresseur qui tirent leur apport d'énergie extérieur de l'électricité moins génératrice de gaz à effet de serre que la combustion.

 

Il convient donc de dimensionner au plus juste les installations. Avec le chauffage thermodynamique, la puissance de la PAC à tendance à devenir supérieure au besoin lorsque la température extérieure diminue et ceci particulièrement lorsque l'échange thermique se fait avec l'air ambiant. La régulation des PAC à compresseur doit en tenir compte de telle sorte que l'on ne prélève dans l'environnement que le besoin, ni plus, ni moins. On améliore ainsi l'efficacité de la PAC et le facteur de marche de la pompe à chaleur.

Pour obtenir ce résultat deux solutions ayant pour vocation de modifier à volonté le débit du fluide caloporteur sont envisageables. Le compresseur de la PAC peut être entraîné à vitesse variable ou équipé d'un dispositif de mise à vide séquentiel permettant de l'entraîner à vitesse constante. Avant de décrire plus en détail ces deux solutions, il convient de parler du fluide caloporteur. On sait que des transferts thermiques peuvent s'effectuer en raison de la chaleur spécifique de la matière lorsque celle-ci est soumise à des variations de température. Des transferts thermiques peuvent aussi s'effectuer à température et à pression constante lorsque le corps change d'état en passant de la phase liquide à la phase gazeuse ou inversement*. Ces transferts thermiques peuvent être quantifiés lorsque l'on connaît la chaleur latente massique d’un corps pur, appelée enthalpie massique de transition. L'énergie mise en jeu lors d'une réaction qui génère du froid et absorbe de la chaleur est dite endothermique et est considérée comme positive pour le système qui la reçoit. A l'inverse une réaction exothermique est celle qui dégage de la chaleur. L'enthalpie est en quelque sorte de la chaleur emmagasinée à l'intérieur d'une unité de masse de matière, quantité de chaleur se libérant lors du changement d'état de cette matière. Ainsi, après avoir été comprimé sous forme gazeuse dans le compresseur, le fluide caloporteur se liquéfie lors de sa condensation et transmet une grande quantité de chaleur dans le primaire de l'échangeur à plaque constituant le condenseur. Lors de ce changement de phase à pression sensiblement constante, le système échange avec l’extérieur une quantité de chaleur par kilogramme de corps pur, appelée : « chaleur latente (massique) de transformation ». Chaque corps a une chaleur latente différente. Celle de l'eau (2,25 106 Joule/kg) est différente de celle des fluides caloporteurs tels que le R410a, le R134a et le R744 (en pratique du gaz carbonique) utilisés dans les pompes à chaleur modernes. La variation d’enthalpie du fluide caloporteur s’exprime en Joule/kg.  L'enthalpie massique est la quantité d'énergie thermique nécessaire pour réaliser, de façon réversible, à température et pression constantes, la transition de phase de l’unité de masse d'un corps.

 

Le diagramme de Mollier ci-dessus  illustre bien les transferts d'énergie

générés à pression et à température sensiblement constante par la chaleur latente ou enthalpie de transition de phase  du fluide caloporteur

 

On a vu au titre de la  conservation de l’énergie » qu’un immeuble se comporte sur le plan thermique comme une fonction linéaire du premier ordre avec                            

θa /P =  1/ ζ S (1+t p)       1)   et  une constante de temps t =  (Va ca + mb cb) / ζ S         2)

 

L’air contenu dans les appartements a peu d'influence sur l'inertie thermique de l'immeuble. C'est surtout la chaleur spécifique cb  des planchers en béton et à un degré moindre celle des murs qui conditionne la constante de temps d'un immeuble isolé par l'intérieur. Les transferts thermiques qui s'effectuent dans les deux échangeurs à plaques constituants le condenseur et l'évaporateur d'une pompe à chaleur eau eau* sont fonction du débit du fluide caloporteur véhiculé par le compresseur de cette dernière.

 

La connaissance de la  « chaleur latente (massique) de transformation » appelée aussi l'enthalpie du fluide caloporteur ef  exprimé en kJ/kg et de son débit massique Qf  en kg/s permet de trouver la puissance P en kW développée au primaire de l’échangeur à plaque du condenseur  P = ef Qf = ce Qe Dθ e                                                   3)  

Cette puissance est proportionnelle à la chute de température Dθ e  de l'eau dans le primaire de cet échangeur
D θ e = Te – Ts,  (Voir « le transport de l’énergie » chapitre 2 )

On obtient en remplaçant P  venant de l'enthalpie dans 1)  :
       Echangeur à eau         θa /
Q e =  ce  
D θ e  / [ ζ S / (1+t p)]            4)

       Ou   Enthalpie                    θa / Qf  =  cf / [ ζ S / (1+t p)]                        5)

 

 

* L'évaporateur de la PAC air eau étant remplacé par un radiateur à ailette comparable aux radiateurs de refroidissement des moteurs à combustion interne sur les voitures.

Les fonctions de transfert 4) et 5) n’ayant pas d’intégrateur, il est nécessaire de prévoir un correcteur du type intégrateur pour supprimer l’erreur statique et obtenir une régulation de température correcte. Un correcteur PID type intégrateur ayant la même constante de temps t =  (Va ca+ mb cb) / ζ S  = RC* que celle de l’immeuble avec ses planchers en béton et ayant la fonction de transfert suivante (1+t p) / t p est parfaitement adapté.

La fonction de transfert globale du système immeuble + correcteur en boucle ouverte obtenue avec ce correcteur :

  θa / Qf  =  cf / [ ζ S / (1+t p)] x (1+t p) / t p = cf / ζ S t p  correspond à un système stable qui déphase de 90° à toutes les fréquences. 

En remplaçant  p  par  jw  on a :  θa / Qf =  cf  / ζ S t w j   représentatif du système global en  amplitude et en phase. En multipliant haut et bas par le nombre imaginaire  j  on obtient :    θa / Qf =  - [cf / ζ S t w] j   ( = -1)
Pour
w = 1/t le module de ce nombre imaginaire est égal à:
                  θa / Qf = cf / ζ S                6)   

La formule est bien homogène puisque les deux termes  cf Qf  et  ζ S θa   sont bien égaux et représentatifs de la puissance émise par la PAC pour le premier terme et dissipée par déperdition dans les parois de l’immeuble pour le deuxième terme    

 

*Correcteur intégrateur exemple de calcul  
On devrait trouver des composants standards (capacité, ampli opérationnel et résistance) compatibles avec la constante de temps
t de l'ordre de 300 000 s

(environ 3 jours).  Pour t = 300 000 s et C=100 microfarads  R a pour valeur 

           R = t/C = 300 000 / (100 x 10-6)= 3000  MW 

Un correcteur numérique peut être prévu à défaut d’un correcteur analogique.

 

Notations

cb   Chaleur spécifique  des planchers et des murs  kJ/kg et °C

ca   Chaleur spécifique de l’air du logement            kJ/kg et °C

cf   Chaleur latente du fluide caloporteur               kJ/kg

P    Puissance développée par la PAC                   kW
ζ     Coefficient de déperdition moyen du bâti        kW/m² et °C

S    Surface de déperdition                                 

θa   Température de l’air à l'intérieur du bâti          °C

Te  Température au primaire de l'échangeur à plaque du condenseur en °C

Ts   Température du retour                                 °C.

Qf   Débit du fluide caloporteur                            kg/s

Qe   Débit d'eau dans le primaire de l'échangeur à plaque du condenseur en kg/s

 

Nota concernant le chauffage urbain

Alors que la température Te  à l'entrée de l'échangeur à plaque peut atteindre 100 °C dans le cas du chauffage urbain, elle est limitée à environ 60°C dans le cas de la PAC ou de la géothermie profonde. (Pour ne pas affecter le rendement dans le premier cas et diminuer la profondeur donc le coût du forage dans le deuxième cas. Un correcteur PID associé à une valve proportionnelle 3 voies alimentant le primaire d'un échangeur à plaque peut également rentrer dans la chaîne de régulation du chauffage urbain.

 

 

 

Pour le lecteur qui peine à assimiler l’aspect théorique, l'utilité du correcteur type intégrateur se comprend aussi intuitivement. Lorsque la consigne de température est égale au retour qui vient du capteur de température installé à l’intérieur du bâti, l'erreur de température  est nulle. Cela ne signifie pas pour autant que la vitesse du compresseur doit l’être aussi puisque celle-ci dépend essentiellement de la puissance qui doit être fournie pour maintenir la température dans l'habitation à la température souhaitée. On comprend donc l'importance d'un tel PID qui intègre la différence entre la consigne et la rétroaction en augmentant la vitesse d'entraînement du compresseur en conséquence. La constante de temps t de l'immeuble est principalement fonction de l'épaisseur des planchers en béton. La consigne e proche de 20°C est gérée par une décision du conseil syndical en accord avec tous les copropriétaires. Ceci dit, chaque copropriétaire devrait avoir le pouvoir de moduler légèrement la température dans son appartement de quelques degrés de part et d'autre de e. Concernant ces réglages privatifs, la société allemande Stieble aurait l'expérience de la régulation des pompes à chaleur à compression dans le contexte d'une copropriété. Cette régulation permettrait à chaque copropriétaire, sous réserve de disposer d'un réseau de chauffage propre et bien filtré et d'un immeuble correctement équilibré thermiquement, de régler simplement la température dans son appartement de part et d'autre de la température moyenne de 20°C avec une commande centralisée. Pour obtenir cette fonction, la société DANFOSS expérimente des soupapes thermostatiques nouvelle génération et la société EMAP commercialise des ventilo-convecteurs hydrauliques améliorant la convection du radiateur.

 

 

Les compresseurs d’une pompe à chaleur à compression fonctionnent avec un fluide à l'état gazeux et sont montés en parallèle. Ceci que la PAC soit du type aquathermique (eau eau) ou aérothermique (air eau ). Leur conception change selon la puissance : Les compresseurs à spirale type Scroll jusqu’à environ 15 kW, peuvent être à pistons ou à vis pour les puissances supérieures.

 

Les compresseurs à vitesse variable

 

Les pompes à pistons* sont avantageusement entraînées par des moteurs électriques équipés d’un variateur de vitesse électronique, les anciennes régulations du type on-off ayant un moins bon rendement. La variation de vitesse procure en effet une amélioration notable des performances, la modulation de la puissance pouvant se faire entre 20 et 120% de la valeur nominale de la pompe à chaleur. L’adaptation de cette puissance en fonction des besoins se modifiant selon la saison permet d’importantes économies d’énergie par rapport aux solutions avec régulation tout ou rien (économie d'énergie primaire allant jusqu’à 30% selon le manuel coédité par l’Ademe et le BRGM). La régulation de température moyenne dans l'immeuble peut être assurée en combinant un régulateur PID et un variateur de vitesse électronique. Le correcteur PID, de type intégrateur, est en effet indispensable. Il supprime l’erreur statique pouvant être importante et améliore la précision de la régulation s'il est correctement calé en fréquence par rapport à la constante de temps t de l’immeuble.

 

Les compresseurs type "digital scroll" à vitesse constante

 

Les plus grosses pompes type Scroll peuvent être avantageusement entraînées par des moteurs électriques asynchrones triphasés standards et bon marché. Elles sont mieux lubrifiées du fait de la vitesse constante et ont de ce fait une plus grande longévité. La modification et le réglage du débit du fluide caloporteur est alors obtenue mécaniquement par la conception du compresseur. Cette conception consiste en un jeu mécanique de l'ordre du mm pouvant être supprimé en rendant étanche les spirales du compresseur scroll ou non. Le rendement est amélioré par rapport à l'ancienne régulation du type on-off décrite dans le livre, la puissance délivrée par la pompe à chaleur pouvant varier de la puissance nominale à 10% de cette dernière. La suppression ou l'obtention du jeu est assuré par des impulsions électriques de largeur calibrée avec une période de l'ordre de 30 secondes.

Le seul inconvénient est la fuite de gaz qui s'établit temporairement. Cette fuite a pour conséquence de diminuer le rendement qui est cependant amélioré par rapport à la solution avec régulation tout ou rien. La disposition avec le montage tandem, les compresseurs étant disposé en parallèle et un fonctionnement en cascade diminue la puissance des moteurs asynchrones qui sont le plus souvent entraînés à 3000 tr/mn.

 

Produire l'énergie thermique plus intelligemment en dosant le prélèvement de cette dernière dans notre environnement, tel est le challenge des pompes à chaleur à compresseur modernes.