Quand on navigue à
la voile en mer d’Iroise, dans le passage du Fromveur près d’Ouessant, ou dans le
raz Blanchard au large du Cotentin, on constate que les côtes françaises sont
parcourues par des courants de marées puissants et réguliers. Le Service
hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) est capable d’en prédire
les fluctuations cent ans à l’avance. Les marées et les courants maritimes
qu’elles engendrent sont connus avec une grande précision. Rien à voir avec le
vent dont les changements de direction et de force ne peuvent être anticipés au
mieux que de quatre à cinq jours et encore avec une précision très
approximative. Les puissances des plus
grosses éoliennes sont certes loin d’être négligeables
mais force est de constater que lorsqu’il n’y a pas de vent, il n’y a plus de
production d’électricité et quand il y en a trop, ça risque de casser. Pour
éviter la casse, l’éolienne est constamment orientée par une couronne
d’orientation de telle sorte que le nez de l’éolienne soit face au vent,
l’exploitation étant arrêtée lorsque la force du vent dépasse 100 km/h.
Contrairement aux éoliennes, l’énergie générée par les hydroliennes peut être
parfaitement planifiée. La vitesse des courants au large des côtes bretonnes ou
normandes, souvent supérieure à 12 km/h, met en jeu une énergie
considérable pouvant être équivalente à celle produite par un réacteur
nucléaire. Il s’agit là en effet d’une source d’énergie propre, extrêmement abondante, renouvelable,
parfaitement prédictible, et qui ne défigure pas le paysage.
Après la réalisation réussie
des turbines de basse chute de la Rance, on a du mal à expliquer le manque de
réalisation en France dans le domaine des courants marins. Bien que le potentiel
le plus important soit du côté du solaire avec le voltaïque c’est du côté de
l’éolien et du vent que notre ancien président Nicolas Sarkozy s’oriente en
dévoilant ce que pourrait être les implantations de l’éolien marin en France.
Les choses prenant du temps à se mettre en place c’est seulement environ 10 ans
plus tard les sites porteur de l’éolien maritime
français seront, si l’on en croit le site révolution énergétique qui fait à nouveau
le point seront réalisés à des emplacements différents de ceux
imaginés par notre ancien président.
Les turbines
sous-marines et les courants marins
Dans le
calme relatif des profondeurs, la perturbation due à la houle et au vent n’est
plus un phénomène perceptible et des projets de turbines électriques
sous-marines ont longtemps vu le jour un peu partout à l’étranger, sauf en
France. Les contacts techniques de l’EDF avec le Royaume-Uni, ainsi que la
participation de Total avec une société écossaise, ont permis une réduction des
frais de recherche mais ces accords et la prise de conscience du grand
pétrolier ont été bien tardifs compte tenu de l’urgence. Seule une petite
société bretonne s’est lancée dans les « hydroliennes ». Elle n’a
semble-t-il pas été suffisamment subventionnée afin de permettre la
construction d’un prototype à échelle réduite. Créée en 2000 à Quimper, elle
projetait de construire des hélices activées par la marée d’une puissance de
1,2 Mégawatt chacune, l’équivalent d’une grosse éolienne. Faute d’avoir su
éveiller l’intérêt de l’État et d’EDF, les investissements de l’Agence de
l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe)
pour ce projet d’hydroliennes se sont limités à 250 000 euros sur
sept ans afin de payer les ingénieurs qui ont étudié ce projet. On peut
regretter que les régions bretonne et normande n’aient pas encore réalisé
l’importance de l’enjeu. Puis la région a enfin décidé de construire deux
prototypes sous la forme d’une maquette à échelle réduite d’une puissance
limitée à 15 kW. De telles réalisations pourraient se faire en liaison
avec la nouvelle agence nationale de la recherche. Une innovation technique de
ce type engendre en effet inévitablement la résolution de problèmes techniques
nouveaux. Le fondateur de cette société bretonne expliquait que l’installation
d’hydroliennes sur les littoraux breton et normand permettrait de fournir une
puissance moyenne de 3 Gigawatts (GW) avec des pointes à 6 GW pendant
les périodes de vives eaux, soit l’équivalent de trois réacteurs nucléaires.
Les courants marins pourraient donc fournir autant sinon plus que l’énergie
hydraulique fournie par les barrages (environ 10 % de l’électricité
nécessaire à la France) ! Vouloir confier
uniquement à l’éolien la progression des énergies renouvelables de 10 à
20 %, dans l’espoir de limiter la génération de gaz à effet de serre,
relève probablement de l’utopie. La meilleure preuve est bien
le Danemark qui a
développé à grande échelle la production d’énergie positive basée sur les
éoliennes et est, de tous les pays européens, le plus mauvais élève en termes
de production de gaz à effet de serre type dioxyde de carbone. Cette situation
paradoxale s’explique par le fait qu’en l’absence de vent, ce pays plat sans
grand barrage hydroélectrique n’a actuellement pas d’autre solution que
d’assurer sa production électrique par des turbines à gaz lorsque le vent fait
défaut, ce qui est trop souvent le cas. Il devient indispensable et urgent
d’arrêter de penser uniquement en termes
d’hydroélectricité ou d’éolien pour augmenter la part des énergies
renouvelables. L’ambitieux et coûteux
programme d’éoliennes offshore qui vient
d’être lancé par le président de la République ne changera probablement
pas le système en profondeur et va majorer sensiblement le prix de
l’électricité pour l’utilisateur. Il prouve en tout cas le grand dynamisme
industriel de la filière éolienne.
Avant immersion à Paimpol
Les affirmations de
l’ancien président-directeur général d’EDF, Pierre Gadonneix
qui, à propos des hydroliennes, avait parlé il y a quelques années de cette
source d’électricité comme étant « sûre
et inépuisable, susceptible de contribuer à répondre aux besoins grandissants
en énergie des populations », vont bientôt être vérifiées
suite à l’annonce par le groupe EDF d’une tentative audacieuse
d’industrialisation et la construction de trois à six hydroliennes d’une
puissance significative (4 à 6 MW) près de Paimpol, dans les Côtes
d’Armor. L’immersion au large de l’île de Bréhat de la première de ces grosses
hydroliennes posée sur les fonds marins par 35 mètres de fond a été
effectuée en septembre 2011. Ceci pour une période d’essais de quelques
mois afin de tester l’efficacité et la technologie du dispositif. Elle devrait
ensuite être raccordée au réseau l’année suivante, ce qui constituerait une
première mondiale et une très bonne nouvelle : le tirant d’eau lors des
grandes marées basses restera voisin de 10 mètres malgré le diamètre
imposant de l’hydrolienne (16 mètres de diamètre, soit la hauteur d’un
immeuble de 5 étages). La vitesse de rotation assez lente (environ
10 tr/mn) de cette hydrolienne, munie probablement de paliers fluides de
guidage sur sa périphérie, ne devrait pas menacer les poissons et les
mammifères marins qui pourront passer dans le trou ménagé en son centre.
Ce projet de
40 millions d’euros sera financé par EDF et, on peut l’espérer, pas
uniquement dans l’espoir de remporter le marché d’une centrale à gaz de
450 MW une centaine de fois plus puissante en baie de Brest. Les pièces
maîtresses de l’hydrolienne, sous-traitées à la firme irlandaise Open Hydro,
ont été assemblées à Brest. Le projet a été mené en concertation avec les
pêcheurs de crustacés et les ostréiculteurs locaux « en douceur ».
Dans un premier temps, le prix du kWh développé par cet engin innovant sera
inévitablement plus élevé que l’éolien terrestre (environ 10 fois plus selon le
journal « Ouest-France »). Il devrait ensuite baisser rapidement si
le traitement antifouling des pales s’avère efficace et ne nécessite pas un
ragréage trop fréquent.
Le rotor de l’hydrolienne et son trou central
La gigantesque machine relevée mi-janvier 2012 était en bon état et va être
améliorée au niveau de l’étanchéité et des connexions électriques pendant une
campagne de six mois, et subir une période d’essais de raccordement a réseau
RTF échelonnée sur une dizaine d’années. Le directeur de production EDF espère
diviser les coûts par trois assez rapidement. Il est probable que l’électricité
fournie par ces futures hydroliennes, dont la production électrique est plus
régulière et prévisible que les éoliennes, pourrait alléger le « super
réseau » électrique RTE qu’une bonne vingtaine de sociétés internationales
souhaitent mettre en place en liaison avec EDF pour relier tous les pays de la
mer du Nord d’ici 2030. Ceci pour suppléer au fait que lorsque le vent souffle
sur les côtes anglaises, il ne souffle pas nécessairement simultanément sur les
côtes allemandes.
À noter qu’une autre conception d’hydrolienne utilisant les connaissances
du kitesurf et permettant d’augmenter la
vitesse naturelle des courants marins est en train de naître à l’étranger ainsi
que des hydroliennes
fluviales en France.
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La lutte n’est peut-être pas finie : les designs
sont en train de changer… Notamment un design protégeant la faune marine comme indiqué
à droite avec un prix du MWh pouvant se situer entre 100 et 150 € MWh qui
reste assez élevé par rapport au voltaïque. Reste à savoir si une fabrication
en série permettrait de baisser les frais d’entretien. Difficile de dire en
l’état qui va remporter la partie. |
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Les
éoliennes de grande puissance (plus de 2 000 kW)
Une vingtaine de constructeurs d’éoliennes de plus de
2 000 kW se partagent actuellement le marché mondial de ces machines
impressionnantes, dont la hauteur peut atteindre 160 m pour les plus
hautes avec des diamètres de pales pouvant dépasser 150 m. Ce sont les
Danois, les Allemands avec celle de Druiberg
(6 MW), ainsi que les Français
avec les éoliennes offshores Alsthom d’une puissance comparable qui
construisent actuellement les plus puissantes éoliennes au monde. Reste à savoir pour quelle vitesse de vent
ces grosses éoliennes produisent une telle puissance*. En pratique, la
puissance produite par une éolienne est très dépendante de la vitesse du vent.
La puissance varie en effet sensiblement avec le cube de la vitesse du vent.
(Une éolienne dans un vent deux fois plus élevé produira donc huit fois plus de
puissance.) La Danish Wind Industry association apporte
des précisions intéressantes sur la puissance nominale d’une éolienne.
Une
éolienne ayant une puissance nominale de 1 000 kW qui produit
1 000 kilowattheures en une heure atteint cette performance
maximale par vents forts supérieurs à quelque 15 m/s. Contrairement aux
capteurs solaires voltaïques, qui délivrent du courant continu et qui
nécessitent un onduleur, les éoliennes produisent directement du courant
alternatif. La régulation de ces grosses machines est complexe. Il est
vraisemblable que l’on fait varier l’incidence des pales lorsque la vitesse
du vent change pour faire tourner les pales à vitesse constante afin de
respecter la fréquence du réseau de 50 Hz (60 Hz aux États-Unis). |
La figure ci-dessus représentant une des 3 pales
constituant le rotor d’une des plus grosses éoliennes au monde construite par
les Danois (La Vestas V164 de 7 000 kW).
La longueur de cette pale (80 m) donne une idée du gigantisme de ce
genre de réalisation. |
*Le couple développé par une éolienne est
proportionnel au carré de la vitesse du vent.
La puissance d’une éolienne est donc
proportionnelle au cube de la vitesse du vent.