Discours
d'Emmanuel Macron lors de la COP 23 à Bonn fin 2017
Monsieur le Premier ministre des îles Fidji, président de la COP23 ;
Madame la chancelière, chère Angela ;
Mesdames et messieurs les chefs d’État et de
gouvernement ;
Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies ;
Monsieur le président de l’Assemblée générale des
Nations Unies ;
Mesdames et messieurs.
Depuis vingt-cinq ans, chaque année, depuis le
sommet de la terre à Rio en 1992, la communauté scientifique nous envoie des
messages d’alerte.
Les 15 000 scientifiques qui il y a quelques jours
ont à nouveau écrit l’ont encore rappelé.
Le seuil de l’irréversible a été franchi. Les
évènements climatiques s’intensifient et se multiplient. La France l’a
vécu aux Antilles il y a quelques semaines, sur l’île de
Saint-Martin. Plusieurs d’entre vous l’ont aussi vécu ces derniers mois ou
ces dernières années.
Les équilibres de la planète sont prêts à rompre,
comme le traduisent le réchauffement des océans ou la disparition de nombreuses
espèces menacées. L’ensemble de l’humanité est ainsi touché, en
particulier les populations les plus vulnérables. Car le dérèglement
climatique ajoute l’injustice à l’injustice, ajoute de la pauvreté à la
pauvreté, ajoute de l’insécurité à l’insécurité. Il touche en particulier
ceux qui sont déjà les plus fragiles.
En cela la lutte contre le dérèglement climatique
est bien l’un des combats majeurs de notre temps. Ce combat, il se joue
sur la scène internationale et c’est l’objet même de cette conférence.
Nous nous sommes fixés des objectifs
ambitieux. L’accord de Paris signé il y a presque deux ans est bien
là. Il est, comme la chancelière vient de le rappeler, un point de départ,
mais un point de départ auquel nous tenons, et sur lequel nous ne lâcherons
rien.
Ce point de départ fixe d’ici à 2100 un objectif
d’augmentation d’1,5 degré en moyenne de la température du globe. Nous sommes aujourd’hui au-dessus de 3 degrés. Si nous
continuons comme nous le faisons aujourd’hui, quels que soient les efforts déjà
faits ces dernières années, cela veut dire que nous acceptons tacitement,
collectivement ici la disparition d’un bon nombre des populations ici
représentées. Qu’à horizon 2100 nous acceptons aujourd’hui tacitement que
nombre de peuples qui sont là représentés disparaitront. Nous n’y sommes
pas prêts.
Alors cela suppose un engagement fort. Je veux
saluer l’engagement du Maroc et de Fidji pour la COP de l’année dernière et
celle que vous présidez aujourd’hui, et l’engagement de toutes celles et ceux
qui présents dans cette salle continuent à œuvrer sur le plan international.
Mais il nous faut maintenant des engagements clairs
et fermes. Sur le plan international, nous avons besoin d’une expertise
scientifique, d’un débat scientifique constamment alimenté qui éclaire la
décision.
Le GIEC est l'une des composantes majeures de ce
travail. Or il est aujourd’hui menacé ; menacé par la décision des
Etats-Unis de ne pas garantir leur financement. Je souhaite donc que
l’Europe se substitue aux Américains et je veux ici vous dire que la France
sera au rendez-vous. Je souhaite que le maximum d’Etats européens puissent
à nos côtés, ensemble, compenser la perte de financement américain. Je
peux vous garantir d’ores et déjà qu’à partir de 2018, pas un centime ne
manquera au GIEC pour fonctionner, avancer et continuer à éclairer nos
décisions.
Nous devons accélérer la mise en œuvre effective de
l’accord de Paris et donc prendre des engagements qui impliqueront la
responsabilité des gouvernements, des collectivités locales, du secteur privé ;
c’est l’objectif d’abord des négociations que vous conduisez, monsieur le président,
et je souhaite que tous les pays prennent leur responsabilité pour ne rien
remettre en cause des équilibres décidés il y a deux ans.
Mais au-delà de ces décisions qui impliquent
l’esprit de responsabilité de chacune et de chacun, nous devons aussi mettre en
œuvre les décisions, nous devons obtenir les premiers résultats. Et c’est
l’objectif, la chancelière vient de le rappeler, avec vous tous, que le
secrétaire général des Nations Unies, le président de la Banque mondiale ont
souhaité porter pour le 12 décembre prochain à Paris : pouvoir nous réunir et
mettre en évidence les premiers résultats concrets, les premières perspectives
à venir, et surtout mobiliser les financements publics et privés qui
permettront de le faire.
Ce sont donc les fondations, le secteur privé, les
villes, les régions et les Etats qui seront mobilisés avec un plan de bataille
concret et avec une liste des premières victoires de ces derniers mois, des
victoires en cours mais aussi le plan de bataille à venir.
Ce que je souhaite et que je nous fixe comme
objectif collectif pour le Sommet du 12 décembre, c’est de montrer que les
villes et le secteur privé américain sauront compenser la totalité de
l’engagement américain en faveur de l'action climatique.
Mais au-delà de cet objectif, l’ensemble des
financements régionaux, publics et privés que nous mobilisons permettront de
donner, en particulier aux Etats les plus vulnérables, une vraie feuille de
route, des financements pour pouvoir innover et être au rendez-vous de la
transition environnementale indispensable.
Nous devrons aussi acter dans les prochains mois
une transformation profonde de notre aide internationale en la matière, afin
d'aider à l'adaptation, afin de marquer notre solidarité collective à la
transition climatique dont les plus pays les plus vulnérables ont besoin.
Au niveau européen nous devons aussi nous engager
avec un objectif : réduire les émissions de gaz à effet de serre, la
chancelière vient de le rappeler très clairement ; et pour ce qui est de la
France avec 4 priorités en la matière.
La première, de favoriser, d'encourager et de
participer activement au financement de toutes les interconnexions dont nous
avons besoin. Entre l’Allemagne et la France mais aussi pour ce qui est de
notre pays avec l’Irlande, l’Espagne, l’Italie, le Benelux, le Portugal.
Ces interconnexions, c’est la garantie de mieux
utiliser les énergies renouvelables partout sur notre continent et en
particulier au sein de l'Union européenne, et c’est la garantie d’accélérer la
réduction des gaz à effet de serre et des productions les moins compatibles
avec cette stratégie.
La deuxième priorité, c’est d'avoir un prix
plancher du CO2 en Europe. Et je suis favorable à ce que nous puissions
dans les prochains mois acter, comme nous l'avons déjà dessiné, d’un vrai prix
à 30 euros la tonne pour le CO2, ce qui on le sait est le prix de référence qui
permettra de changer durablement les comportements, de transformer les
priorités de nos investisseurs, de nos acteurs industriels et dans aucun pays
européen ce ne sera facile.
Partout nous aurons des industriels qui essayeront
de demander du temps, de ne pas convenir d'un tel objectif ; et je n'ignore
rien des défis que cela pose dans chacun de nos pays, mais si nous ne faisons
pas cette politique nous transformerons nos comportements collectifs et jamais
l’Europe ne sera au rendez-vous de ce qui est attendu d'elle.
Cela suppose à côté de ça des mesures
d'accompagnement indispensables ; cela suppose aussi des vraies décisions à nos
frontières, et en particulier une taxe aux frontières qui permettra aussi de
protéger nos secteurs économiques face à l’importation venant de pays qui ne
respectent pas du tout les mêmes objectifs et décident de ne pas s’engager dans
cette transition environnementale.
Ce prix-plancher du CO2, c’est l'étape après le
très bel accord obtenu la semaine dernière par la Commission, le Conseil et le
Parlement européen que vient de saluer la chancelière Angela MERKEL, l'accord
sur les ETS qui va dans le bon sens mais qui doit dans l’année qui vient être
complété.
Le troisième axe sur lequel nous avons besoin
d’avancer au niveau européen, c’est l’intégration des objectifs
environnementaux dans notre politique commerciale. Si nous voulons avancer
de manière crédible nous devons renforcer nos investissements, renforcer la
transformation de nos secteurs industriels pour être plus conformes à ces
objectifs environnementaux, mais il nous faut aussi lorsque nous négocions des
accords commerciaux intégrer cette contrepartie environnementale prise en compte,
et ne pas négocier des accords avec des pays qui ne jouent pas le jeu ou qui
sont moins ambitieux que nous, puisque cela viendrait diminuer nos ambitions
collectives.
Enfin, il nous faut travailler sur l’accélération
de la montée des énergies renouvelables. Et si nous voulons qu'elles
continuent à se développer pour se substituer réellement à des énergies dites
non intermittentes, nous avons besoin d'avancer sur le stockage de l’énergie.
C’est la vraie disruption sur le plan scientifique
et industriel et c’est pourquoi je sais qu’avec la chancelière nous sommes
pleinement engagés sur ce terrain. Nous allons ensemble favoriser les
investissements européens qui vont vers le stockage des énergies et avancer
ensemble tout particulièrement sur des projets industriels scientifiques
conjoints pour financer l’innovation de rupture en matière de stockage de
l'énergie, financer les rapprochements industriels qui permettront d'avancer
dans la batterie et dans toutes les technologies qui permettront d’aller plus vite
dans cette transformation.
Enfin, pour ce qui relève de la France, nous devons
accélérer cette transformation avec une obsession, celle de réduire nos
émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, nous nous sommes engagés
durant les derniers mois - et ce fut l'engagement ferme au sein de mon
gouvernement du ministre d’Etat Nicolas HULOT – nous nous sommes engagés
clairement pour une sortie de la production des énergies fossiles et une vraie
transformation de notre modèle de production.
Ainsi la France a-t-elle décidé la fermeture de
toutes les centrales à charbon d’ici la fin de l’année 2021, l'absence de toute
construction de nouvelles centrales thermiques, et surtout à travers un projet
de loi hydrocarbure voté à l'Assemblée nationale et qui sera parachevé dans les
prochaines semaines, l'interdiction de tout nouveau permis d'exploration et
d'exploitation d'hydrocarbures dans notre pays. C’est la première fois
qu'un pays développé décide pour son propre territoire d'une telle politique ;
nous l'assumons parce que c'est celle qui est indispensable pour être au
rendez-vous du climat et de la transition que nous avons actée.
Cette transformation, elle implique aussi
d’accélérer la montée en puissance des énergies renouvelables. Et donc pour se
faire, de pouvoir accélérer les mutations technologiques que je viens d’évoquer
avec ce partenariat européen. Et que personne ne se trompe ici, prétendre
que nous devrions accélérer les fermetures de centrales nucléaires sans avoir
répondu préalablement à cela, c'est nous condamner dans les prochaines années à
rouvrir des centrales à charbon ou des centrales thermiques. Et donc faire
l’inverse de ce que nous sommes en train de nous engager à faire.
La priorité, c'est la baisse des émissions, la
priorité c'est de baisser les émissions de gaz à effet de serre et donc la
politique CO2, c'est celle-ci dans laquelle le gouvernement est pleinement
engagé et aura des résultats dans les prochaines années.
Cette priorité, c'est aussi celle du plan climat
qui a décidé pour la mobilité, d'une part d'engager une politique fiscale
inédite permettant de faire converger l'ensemble des modes de transport pour
des meilleurs résultats en terme là aussi d’émissions de carbone et d’émissions
de particules, et c’est l’objectif que nous nous sommes fixés d’ici à vingt ans
de supprimer les véhicules contribuant à l’effet de serre.
Engagement ferme de l’État, de l’ensemble des
industriels dans lequel nous avons donc décidé d'entrer.
Et c’est aussi le même engagement qui nous conduit
à investir massivement dans la rénovation thermique des bâtiments, dans
l'efficacité énergétique et dans une vraie politique d’investissement dans la
transformation de notre modèle énergétique industriel et économique.
Le plan climat qui a été présenté par le ministre
est un plan courageux. Aucun recul sur notre engagement sur le climat n’a
été fait, au contraire ; des décisions responsables ont été prises qui ont
abandonné les fétiches irréalistes mais ont pris avant tout un agenda de
décisions crédibles, volontaristes qui supposera l’engagement de tous. J’y
veillerai et je m’en porte ici garant.
Les pays riches, mesdames et messieurs, ont une
double responsabilité. Nous avons participé au changement climatique, nous
avons participé à la transformation de l'ère industrielle et contemporaine avec
tous les effets que nous connaissons ; nous devons donc participer aujourd'hui
activement à la transition climatique et à l’atténuation de ses effets.
Au siècle dernier, les pays riches ont imposé au
monde leur modèle industriel, aujourd'hui il leur est interdit d'imposer au
monde leur propre tragédie. Nous n'avons donc qu'une obsession : l'action
; nous n'avons qu'un horizon : c'est maintenant.
Je vous remercie.