Développer
l’usage de la chaleur renouvelable
Page de Hervé Nifenecker : mai 2013
Résumé
La France
s’est engagée à produire 23% de sa consommation d’énergie finale à l’aide
d’énergies renouvelables. Il se fait que l’on assimile trop souvent énergie
renouvelable à électricité renouvelable. L’étude démontre que la production de
chaleur renouvelable est une méthode efficace qui permettait d’atteindre cet
objectif à un coût modeste. Elle montre notamment qu’en diminuant la
consommation de combustibles fossiles et donc les émissions de CO2,
ce qui devrait être l’objectif final de la transition énergétique, la
balance commerciale de la France sera grandement améliorée.
Elle
constate que dès maintenant, l’utilisation de la chaleur solaire pour la
production d’eau chaude sanitaire, de la biomasse dans des chaudières
performantes et de la géothermie de surface par des pompes à chaleur est plus
compétitive que les systèmes basés sur l’usage du gaz et du fioul.
Plutôt que
de subventionner l’achat de systèmes (pompes à chaleur, chaleur bois,
chauffe-eau solaire), solution onéreuse pour l’Etat et conduisant souvent à des
effets d’aubaine pour les vendeurs, il est suggéré de décourager l’achat de
chaudières à gaz ou fioul, soit en les mettant hors normes (en référence à leur
production de CO2), soit en instituant un système de
bonus-malus à l’achat des systèmes de production de chaleur. Le malus porterait
sur les chaudières fioul et gaz, le bonus récompenserait l’achat de chaudières
bois modernes, de chauffe-eau solaires ou de pompe à chaleur.
La
durée de vie des chaudières gaz et fioul étant généralement de l’ordre de 20
ans la plupart pourront avoir disparu d’ici 2030. Les importations de
combustible auront été réduites de plus de 10 milliards d’Euros par an sur la
base des tarifs actuels, l’émission annuelle de 100 millions de tonnes de CO2
aura été évité, et l’objectif de 23 % d’énergie renouvelable dans la
consommation énergétique finale sera atteint sans avoir eu à recourir au
développement ruineux de la production d’électricité par des renouvelables
intermittents[1]
Introduction
L’Union Européenne s’est fixé
l’objectif de produire, en moyenne, sur l’ensemble de l’Union, 20% de la
consommation finale d’énergie sous forme d’énergie renouvelable. Pour la France
cette proportion est de 23%. Le Grenelle de l’environnement a tenu compte de
cette directive européenne.
Le président François Hollande a fait de
la « transition énergétique » un des principaux objectifs de son quinquennat.
Ce que pourrait être cette transition énergétique reste cependant encore à
préciser. A cet effet, un débat sur l’énergie a été convoqué pour aider le
gouvernement dans ses choix. « Sauvons le Climat» espère qu’un objectif majeur
retenu pour cette transition sera une forte diminution du recours de notre pays
aux combustibles fossiles. Cela nous semble souhaitable à la fois parce que
leur combustion est la principale source de production de CO2,
lui-même principal gaz à effet de serre, et parce qu’il est crucial de
minimiser notre dépendance aux importations de gaz et de pétrole. Il est, par
ailleurs, probable que le gouvernement tiendra à respecter l’engagement de la
France d’amener la part des énergies renouvelables à 23% de sa consommation
finale d’énergie
Compte tenu de l’état de l’économie
française, souffrant, entre autres, d’une balance commerciale largement
déficitaire, toute politique énergétique doit faire l’objet d’une optimisation
économique. Il est donc souhaitable que le développement des
énergies renouvelables se traduise par une nette réduction de notre
consommation de combustibles fossiles.
La présente étude examine comment, en partant de l’objectif de 23%
d’énergie renouvelable dans le mix énergétique final français (rappelons que
l’engagement ne porte pas sur l’électricité renouvelable mais bien
sur l’énergie renouvelable, c'est-à-dire, la chaleur, l’électricité et
le carburant renouvelables), peuvent être simultanément optimisés les coûts,
les émissions de gaz à effet de serre et la sécurité de nos approvisionnements.
Les secteurs de l’habitat et du tertiaire sont
de gros consommateurs de combustibles fossiles : 7 Mtep
(80 TWh) de fioul et 18 Mtep (210 TWh)[2]
de gaz valorisés à plus de 16 milliards d’Euros par an, contribuant
au déficit de notre balance commerciale. Ces combustibles fossiles représentent
16% de la consommation énergétique finale. En réduisant très fortement,
d’ici 2030 leur usage dans l’habitat et le tertiaire et en les remplaçant
essentiellement par des énergies renouvelables (et, pour le reste, par de
l’électricité faiblement carbonée), on pourrait atteindre le pourcentage
des énergies renouvelables dans la consommation finale de 23%, compte tenu de
la part actuelle des énergies renouvelables qui est de 12%.[3]
Renoncer aux combustibles fossiles pour la
production de chaleur dans le résidentiel et le tertiaire éviterait aussi
l’émission de près de 100 millions de tonnes de CO2. Avant de
poursuivre le développement des coûteuses énergies renouvelables électriques
(éolien et photovoltaïque), ce devrait être une priorité.
Nous examinons comment un presque
doublement de la production renouvelable pourrait être obtenu tout en
optimisant les coûts, les émissions de gaz à effet de serre et la sécurité de
nos approvisionnements.
C’est volontairement que nous ne traitons
ici que de l’optimisation du développement de l’usage des Energies
Renouvelables. Il y a, bien entendu, de nombreux autres aspects à la
transition énergétique, tels que le rôle de l’électricité, l’efficacité
énergétique. Le scénario Negatep sera utilement consulté sur l’ensemble de la
problématique de la transition.
I - Les techniques de production de
chaleur renouvelable disponibles
La chaleur solaire
La chaleur solaire peut être utilisée pour la production de l’eau chaude
sanitaire (ECS). Actuellement la consommation d’énergie pour la production
d’eau chaude sanitaire est d’environ 50 TWh[4].
Selon les tendances observées, elle devrait atteindre 55 TWh en 2020. Or on
estime que le soleil pourrait fournirles 3/4 de cette
consommation, soit une consommation finale d’environ 40 TWh/an[5].
Le bois-combustible
Les besoins de chauffage atteignent
actuellement 380 TWh. 45 TWh sont fournis par l’électricité, 95 TWh par le bois
et 240 TWh par les combustibles fossiles. L’usage du bois-combustible pourrait
fortement augmenter, en particulier dans les réseaux de chaleur, et permettre
la fourniture de 120 TWh/an supplémentaires. Bien sûr, il sera nécessaire
de veiller à ce que les nouvelles installations obéissent aux normes les plus
strictes en ce qui concerne les émissions polluantes (oxydes d’azote, dioxines,
poussières…).
La géothermie de surface
Les sondes géothermiques, échangeurs thermiques verticaux, captent par
conduction la chaleur du sol (<30°C) des terrains traversés, sans mobiliser l’eau
souterraine. Associées aux dispositifs amplificateurs d’énergie que constituent
les pompes à chaleur, elles autorisent le chauffage des habitations
individuelles (une ou deux sondes de 100 m) et d’immeubles collectifs (champs
de sondes). Des installations bien dimensionnées permettent d’atteindre, et
même de dépasser un coefficient de performance de 3[6] :
1 kWh électrique consommé pour 3 kWh restitués sous forme de chaleur. On
estime à 80 TWh (7 Mtep) l’énergie pouvant être ainsi
fournie tant pour les constructions neuves que pour la rénovation, la
géothermie se substituant à des installations existantes ayant recours au gaz,
fioul ou charbon. La consommation d’électricité associée serait de l’ordre
d’environ 25 TWh. Cette contribution ajoutée à celle du bois combustible
permettrait de ne plus recourir aux combustibles fossiles pour le
chauffage et la production d’ECS (240 TWh sur un total de 290 TWh, le solde
pouvant facilement être fourni par l’efficacité énergétique et l’électricité
directe).
Le Tableau 1 résume le potentiel
de production de chaleur renouvelable dans le résidentiel et le tertiaire ainsi
qu’estimé dans le scénario Négatep. On remarque que
ce potentiel est significativement inférieur aux 290 TWh représentant la
contribution totale du fioul et du gaz à la production de chaleur. Pour
complètement exclure ces derniers il faudra donc allier économies d’énergies
(en particulier, en isolant thermiquement les logements les plus énergivores ) et accroissement de la part de l’électricité.
|
Ressources Mtep |
Ressources
TWh |
ECS Chauffe eau solaires |
3,5 |
40 |
Bois |
10 |
120 |
PAC Géothermie de Surface |
7 |
80 |
Total |
20,5 |
240 |
Tableau 1 Potentiel de production de chaleur
renouvelable dans les secteurs résidentiel et tertiaire d’après le scénario Négatep
II - Les coûts élémentaires
Nous avons présenté ci-dessus, trois techniques de production de
chaleur renouvelable (la chaleur solaire pour la production d’eau chaude
sanitaire ; la combustion de la biomasse, particulièrement du bois ;
la chaleur solaire extraite du sol grâce à des pompes à chaleur). Les coûts
d’investissement pour obtenir une production de 1 MWh
par an pour les trois principales techniques de production renouvelables
sont donnés dans le Tableau 2 [7].
Pour comparaison, nous avons ajouté les investissements nécessaires pour des installations
gazières et électriques neuves.
|
ECS solaire exclusivement |
Bois +ECS
électrique |
PAC Air
eau +ECS PAC |
Gaz |
Electrique |
€ |
1556 |
1548 |
1660 |
865 |
583 |
€/an |
78 |
77 |
83 |
43 |
29 |
Tableau 2
Estimation des coûts d’investissement
nécessaires pour produire 1 MWh par an. L’ECS solaire
correspond à une production d’eau chaude par des panneaux solaires
thermiques. Les systèmes « Gaz » et « Electrique »
incluent le chauffage du logement et la production d’eau chaude sanitaire
Nous supposons que les investissements
sont amortis en 20 ans. La durée de vie des équipements est également supposée
également de 20 ans. Ces hypothèses mériteraient d’être raffinées en
tenant compte des spécificités des différents équipements, et en tenant compte,
également, des évolutions technologiques prévisibles. Une telle démarche excède
largement l’ambition de cette étude.
Les consommations sont évidemment
différentes selon les techniques pour produire 1 MWh
de chaleur, comme on peut le voir sur le Tableau 3.
Consommations |
Electricité MWh final/MWhde
chaleur utile |
Gaz MWh final/MWhde
chaleur utile |
Bois MWh final/MWhde
chaleur utile |
CO2
émis kg/MWh de
chaleur utile |
Système |
||||
solaire |
0 |
0 |
0 |
0 |
Chauffage Bois |
0,237 |
0 |
1,080 |
|
PAC |
0,513 |
0 |
0 |
23 |
Chauffage
Gaz |
0,079 |
1,374 |
0 |
285 |
Chauffage
Electrique |
1 |
0 |
0 |
180 |
Tableau 3 Consommation
d’énergie finale pour produire un MWh de chaleur pour
différentes techniques. La consommation d’énergie renouvelable n’est pas
comptée. Les consommations finales supérieures à 1 MWh
reflètent des efficacités de production de chaleur utile inférieures à 100%.
Les MWh finaux correspondent à ceux qui sont achetés
par le consommateur, et les MWh utiles ceux qui sont,
effectivement, utilisés. Par exemple, une chaudière bois consomme de
l’électricité (0,237 MWh) et du bois (1,080 MWh) pour produire 1 MWh de
chaleur utile. Son rendement global est donc de 76%.Le rendement de la
chaudière à gaz est égal à 69%.
Les tarifs unitaires des énergies sont donnés dans le Tableau 4
|
électricité |
gaz |
bois |
Prix/MWh |
121 |
108 |
44 |
Tableau 4
Prix du MWh
supposé pour l’achat des énergies finales dans les calculs
Les coûts totaux de production du MWh (utile) de chaleur sont donnés sur le Tableau 5. Nous supposons que la durée
de vie de ces équipements dépasse 20 ans sans coût de maintenance majeur. Sur
le Tableau, il s’agit des coûts subis par le consommateur final. A titre
de comparaison nous donnons aussi les coûts de la consommation de chaleur
produite par l’électricité ou le gaz.
technique |
ECS solaire |
Bois |
PAC |
Gaz |
Electrique |
Coût €/MWh |
78 |
153 |
145 |
201 |
150 |
Tableau 5
Estimation du coût total de la production d’un MWh
utile de chaleur pour différentes techniques renouvelables et comparaison
avec le gaz et l’électricité
Les émissions de CO2 produites par la fourniture de 1 MWh de chaleur utile sont indiquées sur le Tableau 6:
ECS |
Bois |
PAC |
Gaz |
Electrique |
|
CO2 kg/MWh |
0 |
10,7 |
23,1 |
285 |
180 |
Tableau 6
Emissions de CO2 pour la production de 1 MWh de
chaleur et pour les différents systèmes de production de chaleur.
Pour la biomasse, la convention est prise
que sa combustion n’émet pas de CO2 (les émissions étant compensées
par la séquestration du carbone par la photosynthèse).
Toutefois il faut ajouter à ces émissions
celles correspondant à l’extraction et au transport du bois.
C’est l’électricité nécessaire au fonctionnement du système de chauffage qui
est responsable de l’émission reportée dans le tableau.
III - Une stratégie pour « sortir des
fossiles »
En toute rationalité, la transition énergétique
devrait viser, en priorité, à diminuer notre consommation de combustibles
fossiles. Dans le domaine du résidentiel et du tertiaire, des techniques
éprouvées permettent de le faire. Supprimer l’usage du fioul et du gaz dans ce
secteur diminuerait nos émissions de CO2 de 100 millions de tonnes,
soit un peu moins d’un tiers des émissions françaises totales. Elle nous
éviterait également d’importer 7 Mtep de fioul lourd
et 18 Mtep de gaz pour un montant d’environ 10
milliards d’euros[8].
Quelles pourraient être les mesures économiquement
réalistes qui permettraient d’atteindre cet objectif ?
Amender la RT2012
La première mesure à prendre serait selon nous, d’amender la RT2012
(réglementation thermique 2012)[9].
Cette réglementation exige que la consommation d’énergie primaire des logements
neufs soit limitée à moins de 50 kWh/m2/an. A peu de choses
près, un logement chauffé au gaz pourra consommer 50 kWh/m2/an
soit, pour un logement de 100 m2, 5000 kWh/an, produisant 1000
kg de CO2 par an. Compte tenu du facteur de conversion de 2,58 entre
énergie primaire et énergie finale, le logement chauffé à l’électricité ne
pourrait consommer que 1940 kWh/an. Dans le premier cas on admet
généralement que la production d’eau chaude sanitaire, utilisant les meilleures
technologies, consommerait environ la moitié de la consommation totale, soit
environ 2500 kWh/an. On voit que l’usage de l’électricité ne permettrait pas
même aux habitants de se laver à l’eau tiède. Il est donc clair que la mise en
œuvre de la RT2012 exclut l’usage de l’électricité.
C’était, d’ailleurs, le but recherché par les organisations qui ont eu un
rôle déterminant dans la rédaction des lois issues du Grenelle. Si les normes
portaient sur l’énergie finale et non sur l’énergie primaire, rien ne serait
changé pour le gaz mais l’usage de l’électricité resterait possible. Dans
ce cas la quantité de CO2 émis serait de l’ordre de 225 kg/an, soit
4,5 fois moins que dans le cas du chauffage au gaz. Certains parlementaires
(l’OPECST, en particulier) avaient pris conscience de cette absurdité
consistant à favoriser la technique la plus émettrice de gaz à effet de
serre ; rien n’y a fait et même les pompes à chaleur ont, dans la
pratique, été exclues des logements neufs.
Il faut donc amender la RT2012 soit
en définissant des normes en énergie finale, soit en ajoutant une contrainte
sur les émissions de C02, ce qui serait conforme à l’esprit de la
loi Grenelle.
Renoncer à l’obligation d’achat de
l’électricité produite par l’éolien et le photovoltaïque
Cette pratique est ruineuse et n’offre aucun intérêt (sauf pour les industriels
regroupés dans le SER et France Energie Eolienne), ni pour diminuer les
émissions de CO2, ni pour améliorer la balance commerciale, bien au
contraire. S’il semble difficile de résilier les contrats d’achat existants la
suppression des contrats futurs permettrait aux consommateurs d’économiser
environ 70 €/MWh à l’horizon 2030[10],
soit au total près de 28 milliards d’euros par an.
Etendre l’assiette de la CSPE
La CSPE aura atteint 7 milliards d’euro en 2013. Elle conduit à une
augmentation de la facture d’électricité de 16%. Nous proposons qu’elle soit payée
également par les consommateurs de gaz et de fioul. Elle passerait alors à
environ 10% de la facture énergétique. Le prix de l’électricité
diminuerait de 6% et celui du gaz et du fioul augmenterait de 10%.
Mettre hors marché les chaudières au fioul
et au gaz.
Il s’agit de définir des normes de consommation de combustibles fossiles
par MWh de chaleur produite telles qu’en pratique,
les chaudières au fioul et au gaz devront être retirées du marché de neuf. Si
on hésite devant la méthode radicale de mise hors norme des chaudières à gaz ou
fioul il est aussi possible de leur appliquer un malus basé sur leurs émissions
directes de CO2 ; inversement, les sommes collectées grâce au
malus pourraient permettre d’affecter un bonus aux techniques de production de
chaleur renouvelable. Si on admet que la durée de vie des chaudières
est de l’ordre de 20 ans, on voit que le parc de chauffage serait pratiquement
renouvelé d’ici 2030.
Soutenir le développement de la production
de chaleur renouvelable
On peut voir sur le tableau 5 que, pour le chauffage, l’usage direct
de l’électricité resterait plus économique que celui des énergies
renouvelables. Remplacer les combustibles pour la production de chaleur
exclusivement par l’électricité demanderait d’accroître les besoins de
celle-ci de 290 TWh/an[11],
soit la production de près de 25 EPR à construire d’ici 2030. Ceci paraît
complètement irréaliste. Toujours selon le tableau 5, une augmentation du prix
de l’électricité de 20%[12]
rendrait compétitive la production de chaleur par les énergies renouvelables.
Alternativement des bonus pourraient être affectés aux techniques de production
de chaleur renouvelable. Pour accélérer le mouvement, en particulier en faveur
des chauffe-eau solaires, il serait très efficace de mettre hors marché ou de
taxer à l’achat les chauffe-eau électriques. La production d’ECS en période de
chauffe serait assurée essentiellement par les installations de chauffage, et
en période bien ensoleillée, essentiellement, par des chauffe-eau
solaires
Améliorer la compétitivité des filières de
production renouvelable de chaleur
En raison de normes trop strictes (pour les chauffe-eau solaires), d’un
défaut d’approche industrielle des systèmes et d’un manque de rationalisation
de la production des PAC et des chaudières bois, les coûts français sont
notablement trop élevés. Il est nécessaire d’avoir une vision industrielle de
ce secteur, l’innovation pour la compétitivité devant être encouragée.
IV - Les perspectives industrielles créées
par le développement de la chaleur renouvelable
Les installations de production de chaleur
concernent principalement le secteur de l'habitat et du tertiaire. Les
bénéficiaires sont essentiellement des particuliers. Les installateurs seront
largement des artisans et des PME.
Eau chaude sanitaire
Pour produire 40 TWh d'eau chaude sanitaire, à raison d'une production par
les capteurs de 500 kWh/m2/an, on voit qu'il faut 80 millions de m2
de capteur[13].
Supposant une installation s'étalant sur 20 ans il s'agit de réaliser 4
millions de m2 de capteur chaque année. Le chiffre d'affaire
correspondant de 2 milliards d'euros par an fournirait environ 50000 emplois
(assurés pour 20 ans), à condition que le matériel soit produit en France[14].
Il faut donc mettre en place une véritable filière industrielle française
des capteurs solaires thermiques. Ceci devrait être facilité par le fait que
les acteurs principaux seront les PME installatrices qui auront besoin d'une
formation et de conseils qui pourraient leur être fournis par l'ADEME ou des
centres de formation spécifiques, par exemple l’INES de Chambéry-Technolac.
Filière bois-combustible
En ce qui concerne la filière bois, les besoins concernent les chaudières
et le bois combustible. La production de 120 TWh/an correspond à l'installation
de 6 millions de chaudières, soit 300000 par an pour un chiffre d'affaires de 5
milliards par an, correspondant à un besoin de 125000 emplois. Si les
clients resteront essentiellement des particuliers, la fabrication des
chaudières relève de l'industrie. Les spécialistes les plus reconnus sont les
autrichiens. Compte tenu de l'importance des besoins, on peut envisager
l'installation d'usines en France par les entreprises autrichiennes. Les
besoins en bois combustible (granulés, bois déchiqueté) représentent à un
chiffre d'affaires de 5 milliards par an correspondant à environ 125000 emplois
en fin de programme. Il s'agit là d'améliorer la gestion de nos forêts et de
renforcer les installations de fabrication du combustible (granulés ou bois
déchiqueté).
Pompes à chaleur
Pour produire 80 TWh/an il faut environ 4 millions de PAC, soit 200000 par
an, correspondant à un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros. La
consommation électrique de ce parc serait de 25 TWh/an (soit 2 EPR). Là
encore, compte tenu de l'importance du programme il y a lieu de mettre en place
une grande filière industrielle de production de PAC. Peut-on envisager d'intéresser
à un tel programme nos constructeurs automobiles, qui maîtrisent
parfaitement la production en grande série et à bas coût de produits très
techniques ?
Conclusions
L’arrêt du soutien au développement de la production d’électricité
renouvelable dès 2014 permettrait aux consommateurs français d’économiser
près de 28 milliards d’euros chaque année dès 2030, correspondant à une
économie de 70 €/MWh soit environ une économie
de 1100 euros par an et par foyer. Cet arrêt est tout à fait compatible avec
une considérable augmentation de la consommation d’énergie renouvelable grâce à
la production de chaleur dans les résidentiel et le tertiaire. Au total
la proportion totale d’énergie renouvelable dans la consommation finale
atteindrait 21%, à consommation totale constante. Un effort raisonnable de
sobriété et d’efficacité énergétique permettrait d’atteindre l’objectif de 23%
d’énergie renouvelable dans la consommation finale. Des mesures de retrait des
chaudières au fioul et au gaz du marché seraient suffisantes pour assurer le
succès de cette substitution des énergies renouvelables aux combustibles
fossiles. L’usage de la chaleur renouvelable est la voie la
moins chère pour atteindre les objectifs que s’est fixés la France, et
celle qui concourt en même temps, de manière très importante, à atteindre un
autre objectif , celui de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 23%
par rapport à 1990. C’est aussi une voie qui réduit très efficacement
notre dépendance vis à vis du gaz et du pétrole (fioul). Elle permettrait
d’économiser, annuellement, environ 10 milliards d'euros de combustibles
fossiles, à l'importation. Elle fournirait 6 millions d’années de travail en
France (soit de l’emploi pour 300000 salariés pendant 20 ans)
L’émission d’environ 100 millions de
tonnes de CO2/an, soit 1 tiers des émissions actuelles serait
évitée. Voilà ce que pourrait être l’amorce d’une vraie transition énergétique.
[1] Voir sur le site de « Sauvons le Climat » notre critique du scénario ADEME
[2] Sur ces 290 TWh 30 sont spécifiquement réservés à la production
d’eau chaude sanitaire.
[3] A noter que l’énergie extraite de la nature (géothermie ou air) par les
pompes à chaleur fait partie de ce décompte dès lors que « la
production totale des pompes à chaleur dépasse significativement l’énergie
primaire requise pour leur fonctionnement » ce qui est le plus souvent le
cas. (Article 31 de laDIRECTIVE 2009/28/CE DU
PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 23 avril 2009 relative à la promotion de
l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables). On peut
d’ailleurs s’interroger sur la justification de cette directive qui donne
le pas à l’efficacité énergétique sur les objectifs de réduction des émissions
de gaz à effet de serre et d’augmentation la part des énergies renouvelables
dans le mix énergétique.
[4] dont environ 20 TWh électrique et 30 TWh gaz et fioul.
[5] Pour les estimations des productions renouvelables possibles voir le scénario
Négatep sur le site de « Sauvons le
Climat ».
[6] Des coefficients de 4 sont envisageables mais, par prudence nous avons
retenu la valeur 3
[7] Communication privée par Bernard Reynier
du CLUSTER BATIMENT ECONOME. On suppose un amortissement des investissements
sur 20 ans. Les calculs sont faits pour un logement de 120 m2
consommant 2 MWh/an pour le chauffage et 3,2 MWh/an pour l’eau chaude sanitaire. La consommation totale
est de 43 kWh/m2 . Contact avec
Bernard Reynier : http://www.linkedin.com/pub/bernard-reynier/42/401/220.
Voir aussi son ancien article sur la Chaîne Energie :
http://energie.lexpansion.com/habitat/les-couts-du-chauffage-domestique-recapitulons-_a-39-892.html
[8] Ces 10 milliards correspondent à un gain à l’importation tandis que les 16
milliards cités dans l’introduction correspondent aux gains réalisés par les
consommateurs finaux. Par exemple, 1000 litres de fioul domestique sont
vendus 1000 € (soit 1100 €/tep) alors que le fioul lourd importé coûte 60 à 70 €/baril,
soit 400 à 500 €/tep. La différence vient du raffinage (un peu), de la
distribution et des taxes.
[9] La référence à l'énergie
primaire pour la réglementation thermique imposée par le RT2012
fait que la limite de consommation de 50kWh/m2/an correspond à la même limite
en énergie finale pour le tout gaz mais à seulement 19 kWh/m2/an pour le
tout électrique. Pour les émissions CO2 moyennes on calcule
1,1 kgCO2/m2/an pour l'électricité mais de 11,7 kg/m2 pour le gaz.
Si on raisonne dans les deux cas sur 50 kWh d'énergie finale on trouve toujours
11,7 kg/m2/an pour le gaz , mais 3
kg/m2/an pour l'électricité. La norme RT1012 interdit cette
solution. Un peu paradoxal pour le Grenelle! Le rapport OPECST propose
d'ajouter une norme sur les émissions de CO2 les limitant à moins de 5
kg/m2/an, ce qui rendrait le tout gaz impossible. L'assemblée a rejeté cette
proposition. Dès début 2012 les promoteurs ont supprimé l'offre électrique pour
les immeubles d'habitation et le tertiaire et la généralisation du chauffage au
gaz.
L'OPECST cherchait à soutenir le développement des PAC. Un rendement (COP) de
2,58 ramène alors le coefficient entre énergies finale et primaire à l'unité,
ce qui remet l'électricité au niveau du gaz, avec, toutefois, deux bonus:
baisse des émissions de C02 à 1,16 kg/m2/an et production
d'énergie renouvelable (géothermie de surface) de 30 kWh/m2/an. Toutefois une
valeur de 2,58 pour le COP (coefficient of performance) des pompes à
chaleur n’est pas toujours facile à garantir. Dans la pratique, les
installations de PAC ont fortement décru. Le gaz est donc sorti grand
gagnant du Grenelle de l'environnement et de l'application de la RT2012....
[10] voir sur le site de SLC la critique
du scénario de l’ADEME (http://www.sauvonsleclimat.org/images/articles/pdf_files/etudes/121227_SLC_scenario.pdf)
[11] En supposant que les deux techniques de production de chaleur aient la
même efficacité, ce qui défavorise sans doute l’électricité
[12] portant ainsi le coût de la production de 1MWh de chaleur à 148 €
[13] Soit environ 3 m2 par logement moyen. Le ratio de 500
W/m² correspond à une efficacité thermique de 50% (bien supérieure à celle de
la conversion photovoltaïque).
[14] Il s’agit ici d’une estimation du nombre d’emploi brut. Pour estimer le
nombre d’emplois nets il faudrait tenir compte des emplois supprimés dans
le secteur de production et de distribution des chaudières à gaz et fioul et
dans celui de la distribution des combustibles. D’une façon plus
macroéconomique on peut remarquer que le rapatriement de 10 milliards d’euros
(importation de combustibles) vers une production intérieure
devrait créer environ 250000 emplois annuels.