Développer l’usage de la chaleur renouvelable

Page de Hervé Nifenecker : mai 2013

Résumé

La France s’est engagée à produire 23%  de sa consommation d’énergie finale à l’aide d’énergies renouvelables. Il se fait que l’on assimile trop souvent énergie renouvelable à électricité renouvelable. L’étude démontre que la production de chaleur renouvelable est une méthode efficace qui permettait d’atteindre cet objectif à un coût modeste. Elle montre notamment qu’en diminuant la consommation  de combustibles fossiles et donc les émissions de CO2, ce qui devrait être  l’objectif final de la transition énergétique, la balance commerciale de la France sera grandement améliorée. 

Elle constate que dès maintenant, l’utilisation de la chaleur solaire pour la production d’eau chaude sanitaire,  de la biomasse dans des chaudières performantes et de la géothermie de surface par des pompes à chaleur est plus compétitive que  les systèmes basés sur l’usage du gaz et du fioul.

Plutôt que de subventionner l’achat de systèmes (pompes à chaleur, chaleur bois, chauffe-eau solaire), solution onéreuse pour l’Etat et conduisant souvent à des effets d’aubaine pour les vendeurs, il est suggéré de décourager l’achat de chaudières à gaz ou fioul, soit en les mettant hors normes (en référence à leur production de  CO2), soit en instituant un système de bonus-malus à l’achat des systèmes de production de chaleur. Le malus porterait sur les chaudières fioul et gaz, le bonus récompenserait l’achat de chaudières bois modernes, de chauffe-eau solaires ou de pompe à chaleur.

 La durée de vie des chaudières gaz et fioul étant généralement de l’ordre de 20 ans la plupart pourront avoir disparu d’ici 2030. Les importations de combustible auront été réduites de plus de 10 milliards d’Euros par an sur la base des tarifs actuels, l’émission annuelle de 100 millions de tonnes de CO2  aura été évité, et l’objectif de 23 % d’énergie renouvelable dans la consommation énergétique finale sera atteint sans avoir eu à  recourir au développement ruineux de la production d’électricité par des renouvelables intermittents[1]

 Introduction

L’Union Européenne s’est fixé  l’objectif de produire, en moyenne, sur l’ensemble de l’Union, 20% de la consommation finale d’énergie sous forme d’énergie renouvelable. Pour la France cette proportion est de 23%. Le Grenelle de l’environnement a tenu compte de cette directive européenne.

Le président François Hollande a fait de la « transition énergétique » un des principaux objectifs de son quinquennat. Ce que pourrait être cette transition énergétique reste cependant encore à préciser. A cet effet, un débat sur l’énergie a été convoqué pour aider le gouvernement dans ses choix. « Sauvons le Climat» espère qu’un objectif majeur retenu pour cette transition sera une forte diminution du recours de notre pays aux combustibles fossiles. Cela nous semble souhaitable à la fois parce que leur combustion est la principale source de production de CO2, lui-même principal gaz à effet de serre, et parce qu’il est crucial de minimiser notre dépendance aux importations de gaz et de pétrole. Il est, par ailleurs, probable que le gouvernement tiendra à respecter l’engagement de la France d’amener la part des énergies renouvelables à 23% de sa consommation finale d’énergie

Compte tenu de l’état de l’économie française, souffrant, entre autres, d’une balance commerciale largement déficitaire, toute politique énergétique doit faire l’objet d’une optimisation économique. Il est donc souhaitable que  le  développement des énergies renouvelables se traduise par une nette réduction de notre consommation de combustibles fossiles.

La présente étude examine comment, en partant de l’objectif de 23% d’énergie renouvelable dans le mix énergétique final français (rappelons que l’engagement ne porte pas sur l’électricité renouvelable mais  bien sur l’énergie renouvelable, c'est-à-dire, la chaleur, l’électricité et le carburant renouvelables), peuvent être simultanément optimisés les coûts, les émissions de gaz à effet de serre et la sécurité de nos approvisionnements.

Les secteurs de l’habitat et du tertiaire sont de gros consommateurs de combustibles fossiles : 7 Mtep (80 TWh) de fioul et  18 Mtep (210 TWh)[2] de gaz  valorisés à plus de 16 milliards d’Euros par an, contribuant  au déficit de notre balance commerciale. Ces combustibles fossiles représentent 16% de la consommation énergétique finale. En réduisant très fortement,  d’ici 2030 leur usage dans l’habitat et le tertiaire et en les remplaçant essentiellement par des énergies renouvelables (et, pour le reste, par de l’électricité faiblement carbonée), on pourrait atteindre le  pourcentage des énergies renouvelables dans la consommation finale de 23%, compte tenu de la part actuelle des énergies renouvelables qui est de 12%.[3]

Renoncer aux combustibles fossiles pour la production de chaleur dans le résidentiel et le tertiaire éviterait aussi l’émission de près de 100 millions de tonnes de CO2. Avant de poursuivre le développement des coûteuses énergies renouvelables électriques (éolien et photovoltaïque), ce devrait être une priorité.

Nous examinons comment un presque doublement de la production renouvelable pourrait être obtenu tout en optimisant les coûts, les émissions de gaz à effet de serre et la sécurité de nos approvisionnements.

C’est volontairement que nous ne traitons ici que de l’optimisation du développement de l’usage des Energies Renouvelables. Il y a, bien entendu, de nombreux autres aspects à la transition  énergétique, tels que le rôle de l’électricité, l’efficacité énergétique. Le scénario Negatep sera utilement consulté sur l’ensemble de la problématique de la transition.

 

I - Les techniques de production de chaleur renouvelable disponibles

La chaleur solaire

La chaleur solaire peut être utilisée pour la production de l’eau chaude sanitaire (ECS). Actuellement la consommation d’énergie pour la production d’eau chaude sanitaire est d’environ 50 TWh[4].

Selon les tendances observées, elle devrait atteindre 55 TWh en 2020. Or on estime que le soleil pourrait fournirles 3/4 de cette consommation, soit une consommation finale d’environ 40 TWh/an[5].

Le bois-combustible

Les besoins de chauffage atteignent actuellement 380 TWh. 45 TWh sont fournis par l’électricité, 95 TWh par le bois et 240 TWh par les combustibles fossiles. L’usage du bois-combustible pourrait fortement augmenter, en particulier dans les réseaux de chaleur, et permettre la fourniture de  120 TWh/an supplémentaires. Bien sûr, il sera nécessaire de veiller à ce que les nouvelles installations obéissent aux normes les plus strictes en ce qui concerne les émissions polluantes (oxydes d’azote, dioxines, poussières…).

 La géothermie de surface

Les sondes géothermiques, échangeurs thermiques verticaux, captent par conduction la chaleur du sol (<30°C) des terrains traversés, sans mobiliser l’eau souterraine. Associées aux dispositifs amplificateurs d’énergie que constituent les pompes à chaleur, elles autorisent le chauffage des habitations individuelles (une ou deux sondes de 100 m) et d’immeubles collectifs (champs de sondes). Des installations bien dimensionnées permettent d’atteindre, et même de dépasser un coefficient de performance de 3[6] : 1 kWh électrique consommé pour 3 kWh restitués sous forme de chaleur. On  estime à 80 TWh (7 Mtep) l’énergie pouvant être ainsi fournie tant pour les constructions neuves que pour la rénovation, la géothermie se substituant à des installations existantes ayant recours au gaz, fioul ou charbon. La consommation d’électricité associée serait de l’ordre d’environ 25 TWh. Cette contribution ajoutée à celle du bois combustible permettrait de ne  plus recourir aux combustibles fossiles pour le chauffage et la production d’ECS (240 TWh sur un total de 290 TWh, le solde pouvant facilement être fourni par l’efficacité énergétique et l’électricité directe).

Le Tableau 1 résume le potentiel de production de chaleur renouvelable dans le résidentiel et le tertiaire ainsi qu’estimé dans le scénario Négatep. On remarque que ce potentiel est significativement inférieur aux 290 TWh représentant la contribution totale du fioul et du gaz à la production de chaleur. Pour complètement exclure ces derniers il faudra donc allier économies d’énergies (en particulier, en isolant thermiquement les logements les plus énergivores ) et accroissement de la part de l’électricité.

  

Ressources Mtep

Ressources TWh

ECS    Chauffe eau solaires

3,5

40

Bois

10

120

PAC    Géothermie de Surface

7

80

Total

20,5

   240

Tableau 1    Potentiel de production de chaleur renouvelable dans les secteurs résidentiel et tertiaire d’après le scénario Négatep

II - Les coûts élémentaires

Nous avons  présenté ci-dessus, trois techniques de production de chaleur renouvelable (la chaleur solaire pour la production d’eau chaude sanitaire ; la combustion de la biomasse, particulièrement du bois ; la chaleur solaire extraite du sol grâce à des pompes à chaleur). Les coûts d’investissement pour obtenir une production de 1 MWh par an pour les trois principales techniques de production  renouvelables sont donnés dans le Tableau 2 [7]. Pour comparaison, nous avons ajouté les investissements nécessaires pour des installations gazières et électriques neuves.

  

ECS solaire

exclusivement

Bois

+ECS électrique

PAC Air eau  

+ECS PAC

Gaz

Electrique

1556

1548

1660

865

583

€/an

78

77

83

43

29

 Tableau 2   Estimation des coûts d’investissement nécessaires pour produire 1 MWh par an. L’ECS solaire correspond à une production d’eau  chaude par des panneaux solaires thermiques. Les systèmes « Gaz »  et « Electrique » incluent le chauffage du logement et la production d’eau chaude sanitaire

Nous supposons que les investissements sont amortis en 20 ans. La durée de vie des équipements est également supposée également de 20 ans. Ces hypothèses mériteraient d’être raffinées  en tenant compte des spécificités des différents équipements, et en tenant compte, également, des évolutions technologiques prévisibles. Une telle démarche excède largement l’ambition de cette étude.

Les consommations sont évidemment différentes selon les techniques pour produire 1 MWh de chaleur, comme on peut le voir sur le  Tableau 3.

Consommations

Electricité

MWh final/MWhde chaleur utile

Gaz

MWh final/MWhde chaleur utile

Bois

MWh final/MWhde chaleur utile

CO2 émis kg/MWh de chaleur utile

Système

solaire

0

0

0

0

Chauffage Bois

0,237

0

1,080

PAC

0,513

0

0

23

Chauffage Gaz

0,079

1,374

0

285

Chauffage Electrique

1

0

0

180

Tableau 3 Consommation d’énergie finale pour produire un MWh de chaleur pour différentes techniques. La consommation d’énergie renouvelable n’est pas comptée. Les consommations finales supérieures à 1 MWh reflètent des efficacités de production de chaleur utile inférieures à 100%. Les MWh finaux correspondent à ceux qui sont achetés par le consommateur, et les MWh utiles ceux qui sont, effectivement, utilisés. Par exemple, une chaudière bois consomme de l’électricité (0,237 MWh) et du bois (1,080 MWh) pour produire 1 MWh de chaleur utile. Son rendement global est donc de 76%.Le rendement de la chaudière à gaz est égal à 69%.

 Les tarifs unitaires des énergies sont donnés dans le Tableau 4

 

électricité

gaz

bois

Prix/MWh

121

108

44

Tableau 4  
Prix du MWh supposé pour l’achat des énergies finales dans les calculs

Les coûts totaux de production du MWh (utile) de chaleur sont donnés sur le Tableau 5. Nous supposons que la durée de vie de ces équipements dépasse 20 ans sans coût de maintenance majeur. Sur le Tableau,  il s’agit des coûts subis par le consommateur final. A titre de comparaison nous donnons aussi les coûts de la consommation  de chaleur produite par l’électricité   ou  le gaz.

technique

ECS solaire

Bois

PAC

Gaz

Electrique

Coût €/MWh

78

153

145

201

150

Tableau 5   

Estimation du coût total de la production d’un MWh utile de chaleur  pour différentes techniques renouvelables et comparaison avec le gaz et l’électricité

Les émissions de CO2 produites par la fourniture de 1 MWh de chaleur utile sont indiquées sur le Tableau 6

ECS

Bois

PAC

Gaz

Electrique

CO2 kg/MWh

0

10,7

23,1

285

180

Tableau 6 
Emissions de CO2  pour la production de 1 MWh de chaleur et pour les différents systèmes de production de chaleur.

Pour la biomasse, la convention est prise que sa combustion n’émet pas de CO2 (les émissions étant compensées par la séquestration du carbone par la photosynthèse).

Toutefois il faut ajouter à ces émissions celles correspondant à l’extraction et au transport du bois.
C’est l’électricité nécessaire au fonctionnement du système de chauffage qui est responsable de l’émission reportée dans le tableau.

III - Une stratégie pour « sortir des fossiles »

En toute rationalité, la transition énergétique devrait viser, en priorité, à diminuer notre consommation de combustibles fossiles. Dans le domaine du résidentiel et du tertiaire, des techniques éprouvées permettent de le faire. Supprimer l’usage du fioul et du gaz dans ce secteur diminuerait nos émissions de CO2 de 100 millions de tonnes, soit un peu moins d’un tiers des émissions françaises totales. Elle nous éviterait également d’importer 7 Mtep de fioul lourd et 18 Mtep de gaz pour un montant d’environ 10 milliards d’euros[8]

Quelles pourraient être les mesures économiquement réalistes qui permettraient d’atteindre cet objectif ?

Amender la RT2012

La première mesure à prendre serait selon nous, d’amender la RT2012 (réglementation thermique 2012)[9]. Cette réglementation exige que la consommation d’énergie primaire des logements neufs soit limitée à moins de 50 kWh/m2/an.  A peu de choses près, un logement chauffé au gaz pourra consommer 50 kWh/m2/an soit,  pour un logement de 100 m2, 5000 kWh/an, produisant 1000 kg de CO2 par an. Compte tenu du facteur de conversion de 2,58 entre énergie primaire et énergie finale, le logement chauffé à l’électricité ne pourrait consommer que 1940 kWh/an.  Dans le premier cas on admet généralement que la production d’eau chaude sanitaire, utilisant les meilleures technologies, consommerait environ la moitié de la consommation totale, soit environ 2500 kWh/an. On voit que l’usage de l’électricité ne permettrait pas même aux habitants de se laver à l’eau tiède. Il est donc clair que la mise en œuvre de la RT2012 exclut l’usage de l’électricité.

C’était, d’ailleurs, le but recherché par les organisations qui ont eu un rôle déterminant dans la rédaction des lois issues du Grenelle. Si les normes portaient sur l’énergie finale et non sur l’énergie primaire, rien ne serait changé pour le gaz mais l’usage de l’électricité  resterait possible. Dans ce cas la quantité de CO2 émis serait de l’ordre de 225 kg/an, soit 4,5 fois moins que dans le cas du chauffage au gaz. Certains parlementaires (l’OPECST, en particulier)  avaient pris conscience de cette absurdité consistant à favoriser la technique la plus émettrice de gaz à effet de serre ; rien n’y a fait et même les pompes à chaleur ont, dans la pratique, été exclues des logements neufs.

Il faut donc amender la RT2012  soit en définissant des normes en énergie finale, soit en ajoutant une contrainte sur les émissions de C02, ce qui serait conforme à l’esprit de la loi Grenelle.

Renoncer à l’obligation d’achat de l’électricité produite par l’éolien et le photovoltaïque

Cette pratique est ruineuse et n’offre aucun intérêt (sauf pour les industriels regroupés dans le SER et France Energie Eolienne),  ni pour diminuer les émissions de CO2, ni pour améliorer la balance commerciale, bien au contraire. S’il semble difficile de résilier les contrats d’achat existants la suppression des contrats futurs permettrait aux consommateurs d’économiser environ 70 €/MWh à l’horizon 2030[10], soit au total près de 28 milliards d’euros par an. 

Etendre l’assiette de la CSPE

La CSPE aura atteint 7 milliards d’euro en 2013. Elle conduit à une augmentation de la facture d’électricité de 16%. Nous proposons qu’elle soit payée également par les consommateurs de gaz et de fioul. Elle passerait alors à environ 10% de la facture énergétique. Le prix de l’électricité diminuerait  de 6% et celui du gaz et du fioul augmenterait de 10%. 

Mettre hors marché les chaudières au fioul et au gaz.

Il s’agit de définir des normes de consommation de combustibles fossiles par MWh de chaleur produite telles qu’en pratique, les chaudières au fioul et au gaz devront être retirées du marché de neuf. Si on hésite devant la méthode radicale de mise hors norme des chaudières à gaz ou fioul il est aussi possible de leur appliquer un malus basé sur leurs émissions directes de CO2 ; inversement, les sommes collectées grâce au malus pourraient permettre d’affecter un bonus aux techniques de production de chaleur renouvelable.  Si on admet que la durée de vie des chaudières est de l’ordre de 20 ans, on voit que le parc de chauffage serait pratiquement renouvelé d’ici 2030.

Soutenir le développement de la production de chaleur renouvelable

On peut voir sur le tableau 5 que, pour le chauffage, l’usage direct de  l’électricité resterait plus économique que celui des énergies renouvelables. Remplacer  les combustibles pour la production de chaleur exclusivement par l’électricité demanderait d’accroître les besoins de celle-ci  de 290 TWh/an[11], soit la production de près de 25 EPR à construire d’ici 2030. Ceci paraît complètement irréaliste. Toujours selon le tableau 5, une augmentation du prix de l’électricité de 20%[12]  rendrait compétitive la production de chaleur par les énergies renouvelables. Alternativement des bonus pourraient être affectés aux techniques de production de chaleur renouvelable. Pour accélérer le mouvement, en particulier en faveur des chauffe-eau solaires, il serait très efficace de mettre hors marché ou de taxer à l’achat les chauffe-eau électriques. La production d’ECS en période de chauffe serait assurée essentiellement par les installations de chauffage, et en période  bien ensoleillée, essentiellement, par des chauffe-eau solaires

Améliorer la compétitivité des filières de production renouvelable  de chaleur

En raison de normes trop strictes (pour les chauffe-eau solaires), d’un défaut d’approche industrielle des systèmes et d’un manque de rationalisation de la production des PAC et des chaudières bois, les coûts français sont notablement trop élevés. Il est nécessaire d’avoir une vision industrielle de ce secteur, l’innovation pour la compétitivité devant être encouragée.

IV - Les perspectives industrielles créées par le développement de la chaleur renouvelable

Les installations de production de chaleur concernent principalement le secteur de l'habitat et du tertiaire. Les bénéficiaires sont essentiellement des particuliers. Les installateurs seront largement des artisans et des PME.

 Eau chaude sanitaire

Pour produire 40 TWh d'eau chaude sanitaire, à raison d'une production par les capteurs de 500 kWh/m2/an, on voit qu'il faut 80 millions de m2 de capteur[13]. Supposant une installation s'étalant sur 20 ans il s'agit de réaliser 4 millions de m2 de capteur chaque année. Le chiffre d'affaire correspondant de 2 milliards d'euros par an fournirait environ 50000 emplois (assurés pour 20 ans), à condition que le matériel soit produit en France[14]. Il faut donc mettre en  place une véritable filière industrielle française des capteurs solaires thermiques. Ceci devrait être facilité par le fait que les acteurs principaux seront les PME installatrices qui auront besoin d'une formation et de conseils qui pourraient leur être fournis par l'ADEME ou des centres de formation spécifiques,  par exemple l’INES de Chambéry-Technolac.

Filière bois-combustible

En ce qui concerne la filière bois, les besoins concernent les chaudières et le bois combustible. La production de 120 TWh/an correspond à l'installation de 6 millions de chaudières, soit 300000 par an pour un chiffre d'affaires de 5 milliards par an, correspondant à un besoin de  125000 emplois. Si les clients resteront essentiellement des particuliers, la fabrication des chaudières relève de l'industrie. Les spécialistes les plus reconnus sont les autrichiens. Compte tenu de l'importance des besoins, on peut envisager l'installation d'usines en France par les entreprises autrichiennes. Les besoins en bois combustible (granulés, bois déchiqueté) représentent  à un chiffre d'affaires de 5 milliards par an correspondant à environ 125000 emplois en fin de programme. Il s'agit là d'améliorer la gestion de nos forêts et de renforcer les installations de fabrication du combustible (granulés ou bois déchiqueté).

Pompes à chaleur

Pour produire 80 TWh/an il faut environ 4 millions de PAC, soit 200000 par an, correspondant à un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros. La consommation électrique de ce parc serait de 25 TWh/an (soit 2 EPR).  Là encore, compte tenu de l'importance du programme il y a lieu de mettre en place une grande filière industrielle de production de PAC. Peut-on envisager d'intéresser à un tel programme nos constructeurs automobiles, qui maîtrisent parfaitement la production en grande série et à bas coût de produits très techniques ?

Conclusions

L’arrêt du soutien au développement de la production d’électricité renouvelable dès 2014 permettrait  aux consommateurs français d’économiser près de 28 milliards d’euros chaque année dès 2030, correspondant à une économie de 70 €/MWh soit environ  une économie de 1100 euros par an et par foyer. Cet arrêt est tout à fait compatible avec une considérable augmentation de la consommation d’énergie renouvelable grâce à la production de chaleur dans les résidentiel et le tertiaire.  Au total la proportion totale d’énergie renouvelable dans la consommation finale atteindrait 21%, à consommation totale constante. Un effort raisonnable de sobriété et d’efficacité énergétique permettrait d’atteindre l’objectif de 23% d’énergie renouvelable dans la consommation finale. Des mesures de retrait des chaudières au fioul et au gaz du marché seraient suffisantes pour assurer le succès de cette substitution des énergies renouvelables aux combustibles fossiles.  L’usage de la chaleur renouvelable est la voie  la moins chère pour atteindre les objectifs que s’est fixés la France,  et celle qui concourt en même temps, de manière très importante, à atteindre un autre objectif , celui de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 23% par rapport à 1990. C’est aussi une voie qui réduit très  efficacement notre dépendance vis à vis du gaz et du pétrole (fioul). Elle permettrait d’économiser, annuellement, environ 10 milliards d'euros de combustibles fossiles, à l'importation. Elle fournirait 6 millions d’années de travail en France (soit de l’emploi pour 300000 salariés pendant 20 ans)

L’émission d’environ 100 millions de tonnes de CO2/an, soit 1 tiers des émissions actuelles serait évitée. Voilà ce que pourrait être l’amorce d’une vraie transition énergétique.


[1] Voir sur le site de « Sauvons le Climat » notre  critique du scénario ADEME

[2] Sur ces 290 TWh  30 sont spécifiquement réservés à la production d’eau chaude sanitaire.

[3] A noter que l’énergie extraite de la nature (géothermie ou air) par les pompes à chaleur fait partie de ce décompte dès lors que  « la production totale des pompes à chaleur dépasse significativement l’énergie primaire requise pour leur fonctionnement » ce qui est le plus souvent le cas. (Article 31 de laDIRECTIVE 2009/28/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables). On peut d’ailleurs s’interroger sur la justification  de cette directive qui donne le pas à l’efficacité énergétique sur les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’augmentation la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique.

[4] dont environ 20 TWh électrique et 30 TWh gaz et fioul.

[5] Pour les estimations des productions renouvelables possibles voir le scénario Négatep  sur le site de « Sauvons le Climat ».

[6] Des coefficients de 4 sont envisageables mais, par prudence nous avons retenu la valeur 3

[7] Communication privée par  Bernard Reynier du CLUSTER BATIMENT ECONOME. On suppose un amortissement des investissements sur 20 ans. Les calculs sont faits pour un logement de 120 m2  consommant 2 MWh/an pour le chauffage et 3,2 MWh/an pour l’eau chaude sanitaire. La consommation totale est de 43  kWh/m2 . Contact avec Bernard Reynier : http://www.linkedin.com/pub/bernard-reynier/42/401/220. Voir aussi son ancien article sur la Chaîne Energie :

http://energie.lexpansion.com/habitat/les-couts-du-chauffage-domestique-recapitulons-_a-39-892.html

[8] Ces 10 milliards correspondent à un gain à l’importation tandis que les 16 milliards cités dans l’introduction correspondent aux gains réalisés par les consommateurs finaux. Par exemple, 1000  litres de fioul domestique sont vendus 1000 € (soit 1100 €/tep) alors que le fioul lourd importé coûte 60 à 70 €/baril, soit 400 à 500 €/tep. La différence vient du raffinage (un peu), de la distribution et des taxes.

 [9] La référence à l'énergie primaire pour la réglementation thermique imposée par  le RT2012  fait que la limite de consommation de 50kWh/m2/an correspond à la même limite en énergie finale pour le tout gaz mais à seulement  19 kWh/m2/an pour le tout électrique. Pour les émissions CO2 moyennes  on calcule   1,1 kgCO2/m2/an pour l'électricité  mais de 11,7 kg/m2 pour le gaz. Si on raisonne dans les deux cas sur 50 kWh d'énergie finale on trouve toujours 11,7  kg/m2/an pour le gaz , mais 3 kg/m2/an  pour l'électricité. La norme RT1012  interdit cette solution. Un peu paradoxal pour le Grenelle! Le rapport OPECST propose d'ajouter une norme sur les émissions de CO2 les  limitant à moins de 5 kg/m2/an, ce qui rendrait le tout gaz impossible. L'assemblée a rejeté cette proposition. Dès début 2012 les promoteurs ont supprimé l'offre électrique pour les immeubles d'habitation et le tertiaire et la généralisation du chauffage au gaz.
L'OPECST cherchait à soutenir le développement des PAC. Un rendement (COP) de 2,58 ramène alors le coefficient entre énergies finale et primaire à l'unité, ce qui remet l'électricité au niveau du gaz, avec, toutefois, deux bonus: baisse des émissions de C02 à 1,16 kg/m2/an  et production d'énergie renouvelable (géothermie de surface) de 30 kWh/m2/an. Toutefois une valeur de 2,58 pour le COP (coefficient of performance)  des pompes à chaleur n’est pas toujours facile à garantir. Dans la pratique, les installations de PAC ont fortement décru.  Le gaz est donc sorti grand gagnant du Grenelle de l'environnement et de l'application de la RT2012....

[10] voir sur le site de SLC la critique du scénario de l’ADEME (http://www.sauvonsleclimat.org/images/articles/pdf_files/etudes/121227_SLC_scenario.pdf)

[11] En supposant que les deux techniques de production de chaleur aient la même efficacité, ce qui défavorise sans doute l’électricité

[12] portant  ainsi le coût de la production de 1MWh de chaleur à 148 €

[13] Soit environ 3 m2  par logement moyen. Le ratio de 500 W/m² correspond à une efficacité thermique de 50% (bien supérieure à celle de la conversion photovoltaïque).

[14] Il s’agit ici d’une estimation du nombre d’emploi brut. Pour estimer le nombre d’emplois nets  il faudrait tenir compte des emplois supprimés dans le secteur de production et de distribution des chaudières à gaz et fioul et dans celui de la distribution des combustibles. D’une façon plus macroéconomique on peut remarquer que le rapatriement de 10 milliards d’euros (importation de combustibles)  vers  une production intérieure devrait créer environ 250000 emplois annuels.