Synthèse des postes génération et isolation

Nous arrivons au terme de cette étude de près de 500 pages sur le chauffage collectif de l’habitat urbain existant. Ceci au travers d’une proposition de rénovation énergétique d’un immeuble équipé de radiateurs hydrauliques et d’une chaufferie fioul (cas pratique). En décidant d’isoler cet immeuble a minima et en agissant uniquement dans un premier temps sur l’isolation thermique des parties communes les plus faciles et les plus commodes à isoler telles que les parois opaques des façades sans balcons et les terrasses, il est logique que cela entraîne une réduction des déperditions limitées et supposées égales à quelque 20 %. (On verra dans les tableaux finaux que le résultat pourrait être meilleur si l’on isole toutes les façades sans balcons plutôt que de se limiter au traitement local des ponts thermiques.) L’examen de la température requise dans les radiateurs existants par temps froid qui était de 70 °C avant isolation ne sera plus que de 60 °C après isolation et la différence de température entre les radiateurs et la pièce ne sera plus que de 60-20 = 40 °C au lieu de 50 °C. Ceci de telle sorte que le radiateur en acier émette lui aussi une puissance réduite de 20 % puisque la puissance émise par le radiateur est proportionnelle à la différence de température entre les radiateurs et la pièce. La loi de conservation de l’énergie est ainsi respectée puisqu’il est clair qu’en régime établit la puissance émise par les émetteurs thermiques est équivalente à celle dissipée dans les parois. Ce qu’il est important de comprendre est le fait qu’en réduisant à 60 °C au lieu de 70 °C la température de la source chaude, le coefficient de performance (COP) de la pompe à chaleur est amélioré de 16,6 % :

Démonstration COP Tc / (Tc - Tf) soit :

- avant isolation avec 70 °C utile dans les radiateurs

COP = 273 + 70 / (70 - 10) = 343 / 60 = 5,71 ;

- après isolation avec 60 °C utile dans les radiateurs

COP = 273 + 60 / (60 - 10) = 333 / 50 = 6,66.

 

Cela revient à dire que l’amélioration globale des performances de la chaufferie hybride résultant de l’isolation est de 20 + 15 = 35 %  (6,66 – 5,71)/6,66 avec une diminution globale des besoins en énergie primaire de la chaufferie elle aussi de 35 %.

L’amélioration des performances de la pompe à chaleur résultant du remplacement des radiateurs en place par des radiateurs basse température est encore plus significative. Si l’on décide en plus de l’isolation d’investir en doublant la surface de chauffe des radiateurs en place, ceux-ci vont transmettre la même puissance pour une différence de température entre les radiateurs et la pièce de 20 °C au lieu de 40 °C avec une température à la source chaude de 40 °C lieu de 60 °C. Cette nouvelle réduction de la température de la source chaude améliore à nouveau le coefficient de performance (COP) de la pompe à chaleur de plus de 50 % (à noter que cette amélioration n’est pas envisageable avec les planchers chauffants hydrauliques puisque ceux-ci sont déjà dimensionnés pour délivrer le besoin thermique pour une température proche de 40 °C).

Démonstration :

- après isolation et avec radiateurs existants et avec 60 °C utile dans les radiateurs

COP = 273 + 60 / (60 - 10) = 333 / 50 = 6,66 ;

- après isolation et radiateurs basse température avec 40 °C utile dans les radiateurs

COP = 273 + 40 / (40 - 10) = 313 / 30 = 10,4.

 

Soit une nouvelle amélioration des performances de plus de 56 %.

La théorie conduit malheureusement à des résultats optimistes qui ne sont pas encore obtenus dans la pratique. Toutefois, dans la mesure où les 3 étapes ci-dessus sont réalisées par étapes successives, il est possible, en associant le gaz et l’électricité au sein d’une même chaufferie hybride, de diminuer considérablement la consommation d’énergie payante pour le chauffage des bâtiments urbains existants et ceci même si les COP réels obtenus sont deux fois moindres que les CO théoriques. On mesure l’intérêt de telles solutions lorsque l’on a établi que le retour sur investissement n’excède pas dix ans. Il semble aussi banal de dire que si, au cours de l’étape 2, on abaisse la consommation de gaz naturel de quelque 75 %, on divise par quatre la génération de gaz à effet de serre.

Tableaux comparatifs de consommation en énergie primaire (EP)

Le premier tableau A en améliorant au préalable l’isolation de 20 % avant la génération le deuxième B dans l’ordre inverse en améliorant d’abord le rendement de la combustion de 40 %. À noter que l’utilisateur peut aussi interpréter l’abréviation EP (énergie primaire) comme étant pour lui de l’énergie payante (EP) !

 

Scénario A :

On procède à l’isolation avant de moderniser la génération :

Étape

Description

Consommation (EP)

(tep)

EnR

(tep)

GES*

(tonnes)

Privatif

Collectif

0

Fioul avant isolation

100

Néant

559

Action sur partie commune

1

Fioul après isolation C

80

Néant

447

2

Nouvelle chaufferie gaz avec isolation C

48

Néant

135

3

Gaz + EnR après isolation P  (COP de 4)

21 (12 gaz + 9 élec)

27

52

4**

Après isolation C+P avec génération EnR et radiateurs basse température (COP de 6)

8 (0 gaz + 8 élec)

40

17

Action sur le privatif

Scénario B :

On modernise la génération avant l’isolation (commune C, puis incorporant le privatif P) :

Étape

Description

Consommation (EP)

(tep)

EnR

(tep)

GES* (tonnes)

Privatif

Collectif

0

Fioul avant isolation

100

Néant

559

Action sur partie commune

1

Gaz seul + équilibrage avant isolation

70

Néant

203

2

Gaz + EnR avant isolation (COP de 3)

34 (21 gaz + 13 élec)

26

88

3

Gaz + EnR après isolation C (COP de 4)

21 (12 gaz + 9 élec)

27

53

4**

Génération EnR après isolation C+P avec radiateurs basse température (COP de 6)

7 (0 gaz + 7 élec)

35

15

Action sur le privatif

1 tep = 11 610 kWh = 107 kcal = 4,18 x 104 Joule ≈ 1,20 m3 de fioul (pour PCI = 10 kWh/litre)

*Voir page 87, grammes de CO2 par kWh selon chaîne énergétique.

**Il est supposé pour les deux tableaux que le nouveau besoin en température de 40 °C à la source chaude du fait de la mise en place des radiateurs basse température permet à la PAC de fonctionner en substitution de chaudière à gaz, ce qui signifie que la chaudière n’est plus là qu’en secours.

En commençant chronologiquement à investir dans la génération au détriment de l’isolation du bâtiment, à savoir en investissant prioritairement dans la fourniture d’une combustion améliorée (gaz seul) puis, dans un deuxième temps, gaz avec son complément EnR, on privilégie le ROI du fait de l’amélioration du rendement de la combustion, puis des performances de la PAC. On donne aussi, vu l’urgence, la priorité à la réduction des gaz à effet de serre (GES). Lors des étapes 3 et 4, l’amélioration des performances (COP) résultant de la diminution des températures induites par l’isolation, puis par les radiateurs basse température, entraine une diminution progressive de la consommation en énergie primaire. Il y a tout lieu de penser que la pompe à chaleur pourra fonctionner en substitution de chaudière et non plus en relève lors de la dernière étape.

 

L’énergie consommée est alors uniquement électrique. Le financement de l’étape 2 du deuxième tableau, qui initialise la production d’EnR, peut être assuré en partie par le « fond chaleur renouvelable », l’autre partie par un prêt PTZ. En procédant dans cet ordre, on ajoute le complément EnR avant de procéder à l’isolation, les températures de la source chaude restant inchangées, ce qui explique le COP modeste de 3 obtenu lors l’étape 2. À noter qu’une sensible réduction du besoin en température à la source chaude est à prévoir, si l’on inclut l’équilibrage hydraulique dynamique avec le poste génération. Cette baisse a été supposée égale à 3 °C. Il est donc possible, sur la base d’une énergie primaire à 10 cts d’euro le kWh, de dresser le tableau prévisionnel de financement suivant en prenant comme base de référence les études précédentes.

Étapes

Montant

Investissement €

EP économisée

annuellement kWh

Aide fiscale €

PTZ €

ROI ans

Exemple échelonnement

1

235 000

400 000

CEE 20 000

215 000

5,4

2014

2

535 000

660 000

FCR + CEE 109 000

426 000

6,07

2016

3

650 000

790 000

FCR + CEE 109 000

541 000

6,8

2018

4*

340 000

483 000

néant

340 000

7

2020

*Financement possible par surélévation aile ouest du bâtiment (Voir page suivante 650 m² supplémentaires)

 

CEE : Certificat d’économie d’énergie, FCR : Fond chaleur renouvelable, GES : gaz à effet de serre,

PTZ : prêt à taux zéro ROI retour sur investissement ou durée du PTZ 

EP : énergie primaire (en pratique énergie finale).

Un échelonnement de deux ans entre les étapes laisse de la place pour les votes en AG et permet d’échelonner les dépenses, d’optimiser les réglages entre les étapes et de consolider les calculs par des mesures.

L’amélioration des performances due à l’équilibrage hydraulique est supposée incorporée dès la première ligne du tableau. Le montant de l’équilibrage (25 000 euros) est de ce fait incorporé dans le montant de l’investissement. Il n’est supposé aucune aide fiscale pour l’isolation. Malgré cela, on observe que le ROI et la période de remboursement restent nettement inférieurs à dix ans. Une question pourrait intéresser le législateur : le ROI reste-t-il inférieur à ce plafond de dix ans avec une pompe à chaleur peu performante, disons un COP de 2 lors de l’étape 2 du deuxième tableau, selon le scénario B ? On se retrouve alors sensiblement dans la configuration suivante :

Étape

Description

Consommation (EP) (tep)

EnR (tep)

GES (tonnes)

2

Gaz + EnR avant isolation (COP de 2)

40 (20 gaz + 20 élec)

20

95

 

Tout dépend, à vrai dire, si l’on prend comme référence l’étape 0 fioul ou 1 gaz, le gain annuel en énergie primaire (EP) étant loin d’être le même ! Pour sécuriser le financement de l’investissement et satisfaire les différents acteurs de la transition énergétique, les lutins thermiques suggèrent que le texte de loi sur la transition énergétique élaboré pendant l’été 2014 au Sénat dans le cadre du chauffage urbain collectif dans l’ancien conduit à une règle de calcul du fond chaleur renouvelable (FCR) basée sur les dépenses à engager pour réduire le CO2 (dépenses qui seraient voisines de 80 euros la tonne) et ceci en imposant[1] aux différents prestataires en charge de la rénovation le respect de la formule :

Montant de l’investissement pour le poste génération – aide fiscale

  ≤ 10

Économie réalisée annuellement sur l’achat des combustibles

Le lecteur aura compris que le numérateur est le montant du PTZ auquel il convient de souscrire et le chiffre 10, le nombre maximum d’années qu’il semble souhaitable d’accorder pour son remboursement dans le cadre d’un investissement socialement responsable (ISR). Quant à l’aide fiscale, l’idée qu’elle soit accordée ou non au titre d’une écoconditionnalité de résultat semble une bonne idée. Soucieux de comprendre les modalités de l’aide fiscale consentie au titre du « fond chaleur renouvelable » (FCR), le lecteur peut se reporter à la méthode proposée par les lutins thermiques pour une production annuelle d’EnR donnée. Elle conduit à une aide de 89 000 euros pour une quantité d’EnR produite annuellement de 20 tep. Vu le COP d’une PAC aquathermique, probablement plus proche de 4 que de 2, on observe qu’il y a de la marge pour respecter la proposition de loi ci-dessus. Ce COP est en effet proche de 5 pour l’application dans la boucle de la Marne décrite précédemment. Et ceci pour un équipement de maison individuelle n’ayant pas bénéficié d’une structure de conseils bien étoffée. Pour une meilleure compréhension du lecteur, les étapes 0 à 4 sont reprises ci-après dans le cadre du deuxième tableau dans lequel la génération est traitée en priorité. L’auteur fait observer au lecteur que la consommation en énergie primaire de l’état initial de 100 tep correspond sensiblement à la consommation annuelle en fioul de l’immeuble (120 m3), objet du cas pratique évoqué dans ce livre. Il est ainsi possible de raisonner comparativement en pourcentage sans avoir besoin d’utiliser la règle de trois. Si l’on observe la consommation en énergie primaire de l’étape ultime 4, la dernière consommation en énergie primaire voisine de 7 tep, une fois toutes les étapes franchies, correspond à 7 % de la consommation initiale en énergie primaire ! Et ceci avec une isolation relativement sommaire ! Au travers de cet exemple, on mesure l’importance relative de la génération par rapport à l’isolation.

Zéro état initial chaudières fioul avec brûleur tout ou rien

L’apport d’énergie primaire

Combustion de 120 m3 de fioul (100 tonnes avec PCI de 10 kWh/litre) : + 100 tep

Les déperditions

Hors période de chauffe

Consommation fioul 110 l/jour pendant 5 mois        -16,5 tep

(Voir page 257) Rendement environ 50 %

Pendant la période de chauffe

Par les murs                                                             -20 tep

Par les ponts thermiques                                         -16 tep

Par le plancher bas

(avec pertes défaut de calorifugeage tuyaux)           -5 tep

Les eaux usées ECS                                                 -2 tep

Par les simples vitrages (avec volets roulants)        -18 tep

Par les terrasses                                                        -8 tep

Par les gaz brûlés                                                 -14,5 tep

                                              Total déperditions    -100 tep

Estimation de la température de retour des émetteurs thermiques 75 °C par -10 °C

(Soit départ chaudières environ 85 °C)

Nota : on retrouve bien la débauche d’énergie engendrée par le faible rendement des chaudières fioul en mi-saison et pendant l’été. Il y a d’une part l’énergie utile pour obtenir l’eau chaude à partir de l’eau froide (5 tep) et d’autre part, l’énergie réellement consommée pour obtenir ce résultat (15 tep + 5 tep) du fait de l’énergie perdue dans les gaz brûlés !

Étape 1. Chaudières gaz naturel à condensation avec équilibrage

L’apport d’énergie primaire

Environ 800 000 kWh de GN PCI de 10 kWh/m3 :    + 72 tep

Les déperditions

Hors période de chauffe

Consommation gaz pendant 5 mois (rendement environ 100 %)                                                                                      -8 tep

Pendant la période de chauffe

Par les murs                                                           -19 tep

Par les ponts thermiques                                        -14 tep

Par le plancher bas

(avec pertes défaut de calorifugeage tuyaux)          -5 tep

Les eaux usées ECS                                                -4 tep

Par les simples vitrages                                         -18 tep

Par les terrasses                                                       -8 tep

Par les gaz brûlés (rendement environ 100 %)         

                                             Total déperditions      -72 tep

Nota : la moindre consommation en combustible s’explique principalement par le rendement des chaudières gaz à condensation. Bien qu’aucune modification n’ait été effectuée sur l’isolation, les déperditions dans le bâti sont légèrement améliorées du fait d’un meilleur équilibrage des températures de haut en bas procuré par l’équilibrage hydraulique avec compensation de pression (voir page 386).

La température de retour des émetteurs thermiques peut être estimée à 70 °C par -10 °C extérieur (soit départ chaudières gaz 80 °C pour DT 10 °C).

Étape 2. Chaufferie hybride gaz naturel + électricité

L’apport d’énergie primaire

Environ 200 000 kWh de GN PCI de 10 kWh/m3 :        18 tep

185 000 kWh électricité                                                  18 tep

                                                                        Total    36 tep

L’apport EnR (COP 3)

370 000 kWh                                                              36 tep

                                                           Total apports    + 72 tep

Les déperditions

Hors période de chauffe

Consommation gaz pendant 5 mois (par la PAC)                   -8 tep

Pendant la période de chauffe

Par les murs                                                           -19 tep

Par les ponts thermiques                                        -14 tep

Par le plancher bas

(avec pertes défaut de calorifugeage tuyaux)          -5 tep

Les eaux usées ECS                                                -4 tep

Par les simples vitrages                                         -18 tep

Par les terrasses                                                       -8 tep

                                             Total déperditions      -72 tep

Nota

La consommation de gaz est divisée sensiblement par 4 (voir pages 157 et 413 ainsi que le chapitre sur la conservation de l’énergie). Le complément de 16 + 32 = 48 tep est assuré par la pompe à chaleur avec un COP modeste voisin de 3.

La température de retour des radiateurs pour 0 °C extérieur peut être estimée (pente 1,66) à 70-16,6 = 53,4 °C. Estimation de la température de départ condenseur 63, 5 °C (DT radiateur voisin de 40 °C).

Le financement de la chaufferie hybride par les économies de combustible

Arrivée à ce stade se pose, pour le maître d’ouvrage, la question de savoir si son intérêt financier est de prévoir directement l’implantation de la chaufferie hybride combustion + chauffage thermodynamique dans son intégralité ou d’installer, dans un premier temps uniquement, la partie combustion en ménageant l’espace disponible en chaufferie pour implantation ultérieure du complément EnR. Cette comparaison, qui suppose une bonne compréhension des différents modes de marche, est difficile à faire. La figure ci-dessous donne cependant une idée du temps de retour économique (ROI) dans chacun de ces deux cas. Elle prend pour exemple le « cas pratique » en partant du fait que le coût d’implantation de chacun des deux postes constituant la chaufferie hybride, à savoir la combustion et le chauffage thermodynamique, est comparable. Si elle ne l’était pas les aides fiscales pourraient avoir pour mission de combler l’écart.

 

Le remboursement de l’emprunt est assuré par les économies réalisées sur l’approvisionnement en combustibles primaires, mais la copropriété a un choix à faire : son intérêt financier est-il de procéder en deux étapes successives, comme indiqué sur la figure de gauche ou, au contraire, de procéder en une seule étape, comme indiqué sur la figure de droite ? Bien que la somme à investir au départ soit environ doublée, il semble bien que son intérêt soit de choisir cette deuxième option, quitte à augmenter le montant de l’emprunt. Paradoxalement, en choisissant cette dernière option, la durée du remboursement est raccourcie et la période à partir de laquelle son pouvoir d’achat va augmenter avancée.

Basée sur un financement de l’investissement de départ par les économies d’approvisionnement en énergie primaires (fioul, gaz naturel et électricité) réalisées par rapport à l’étape précédente, ce temps de retour économique (ROI) est évidemment fonction du prix pratiqué par les fournisseurs pour chacune de ces énergies. Celui-ci étant par nature fluctuant, particulièrement pour le fioul, le lecteur comprendra que pour tenter de donner une réponse à cette question, le coût des énergies primaires a été supposé constant et égal à 10 cts d’euro le kWh pour chacun de ces trois fluides[2]. Ce coût du kWh était récemment conforme aux prix pratiqués pour le fioul, alors qu’il est sensiblement trop important pour le gaz naturel et inférieur à la réalité pour l’électricité. Compte tenu du fait que les deux technologies combustion + chauffage thermodynamique sont maintenant abouties et que la commutation d’un mode de marche à l’autre est favorisée par la constante de temps thermique importante d’un immeuble, il est probable que dans les quelques décennies qui viennent, la cohabitation entre ces techniques va petit à petit prendre place compte tenu des avantages financiers qui en résultent pour la copropriété. Si ce n’est l’alimentation en eau non potable et parfois l’espace disponible en chaufferie, rien ne devrait donc s’opposer à ce que la copropriété implante des chaufferies hybrides associant la combustion et l’enthalpie. La copropriété n’a pas besoin de faire preuve de beaucoup de courage pour installer une chaufferie hydride dans laquelle la pompe à chaleur fonctionne pour finir en relève de chaudière avec la pérennité du chauffage et la sécurité procurée par la dualité des fluides. Il lui en faut en tout cas beaucoup moins que le propriétaire d’une maison individuelle lorsqu’il prend la décision de riblonner la chaudière et de la remplacer par une pompe à chaleur à compresseur (voir page 335)

Le financement de la rénovation énergétique par la surélévation

Les pouvoirs publics sont favorables[3] à la surélévation qui répond à la pénurie du foncier dans les villes et qui réduit l’étalement urbain. Elle permet aussi d’autofinancer les travaux de rénovation énergétique. Les économies engendrées par la chaufferie hybride, du fait de la réduction de la consommation en énergie primaire, suffisantes pour financer la chaufferie hybride, ne le sont pas pour assurer la pérennité financière d’une opération lourde de rénovation énergétique englobant l’isolation du bâti. Les deux figures ci-contre représentent ce qu’il est envisageable de faire dans le contexte de l’immeuble objet du « cas pratique » étudié dans ce livre. La partie rouge est constituée de deux parties : une surélévation sur un seul niveau, pour ne pas surcharger le bâtiment existant de 5 000 m², ainsi qu’une extension sur six niveaux ménageant le passage des voitures vers le grand parking souterrain existant. À noter que ce grand parking occupe une bonne partie de la surface du terrain délimité en vert. Cette extension, qui implique deux syndics, est envisageable par le fait que les séparations entre les deux copropriétés sont constituées de murs borgnes sans ouvertures vitrées.

Face sud

Face nord

(Voir la surface en pleine terre pour le forage de l’exhaure et le rejet de la PAC aquathermique, page 415). L’amélioration de l’isolation du bâtiment existant de 5 000 m² et la réserve de puissance de la chaufferie en place fait que celle-ci est suffisante pour assurer le complément de chauffage utile à l’extension. Le besoin thermique annuel de cette dernière, réalisée conformément à la RT 2012 sur la base d’une déperdition de 50 kWh/m², représente 35 000 kWh compte tenu de l’augmentation de la surface habitable totale voisine de 700 m², soit une augmentation de la surface habitable existante limitée à 15 %.

Étape 3. Chaufferie hybride gaz naturel + électricité après isolation parties communes

L’apport d’énergie primaire

110 000 kWh de GN PCI de 10 kWh/m3 :                  + 11 tep

81 000 kWh électricité                                               + 8,5 tep

                                                                        Total 19,5 tep

L’apport EnR (COP 4)

243 000 kWh                                                           25,5 tep

                                                           Total apports    + 45 tep

Les déperditions

Par les murs                                                               -9 tep

Par les ponts thermiques plancher des balcons        -7 tep

Par le plancher bas

 (avec pertes défaut de calorifugeage tuyaux)          -5 tep

Les eaux usées ECS                                                 -4 tep

Par les simples vitrages                                           -18 tep

Par les terrasses                                                        -2 tep

Par les gaz brûlés (rendement environ 100 %)          -

                                              Total déperditions      -45 tep

 

Nota : la moindre consommation en gaz s’explique cette fois principalement par le rendement des chaudières gaz à condensation. Bien qu’aucune modification n’ait été effectuée sur l’isolation, les déperditions commutation gaz PAC pour 0 °C extérieur.

DT radiateur 32 °C (40 x 48/60). Estimation de la température de départ condenseur 52 °C.

Étape 4. Chaufferie hybride gaz naturel + électricité avec radiateurs basse température et isolation des parties communes et privatives

L’apport d’énergie primaire

74 000 kWh électricité                                               + 6,4 tep

L’apport EnR (COP 5)

300 000 kWh                                                           25,6 tep

                                                         Total apports    + 32 tep

Les déperditions

Par les murs                                                              -9 tep

Pertes ponts thermiques planchers des balcons      -7 tep

Par le plancher bas

 (avec pertes défaut de calorifugeage tuyaux)          -5 tep

Les eaux usées ECS                                                 -4 tep

Par les doubles vitrages                                            -5 tep

Par les terrasses                                                       -2 tep

                                             Total déperditions      -32 tep

 

Nota

On aborde dans cette dernière étape les actions sur les parties privatives, souvent les plus difficiles et les plus longues à mettre en œuvre dans leur intégralité, ceci pour deux raisons principales : d’une part, le législateur français considère toujours les fenêtres comme privatives, d’autre part les économies d’énergie induites par le passage au double, voire au triple vitrage, sont faibles en regard des prix élevés pratiqués en France, ce qui conduit à des retours sur investissements trop longs. La politique qui concerne à baisser progressivement la température de l’eau au départ vers les radiateurs jusqu’à ce qu’un occupant se plaigne peut être utile si la motivation est de progresser sur l’équilibrage. Si elle est réalisée avec la finalité de contraindre celui ou ceux qui ne sont pas passés au double vitrage à le faire, cela est socialement inacceptable. Encore plus inacceptable si cela les oblige à laisser à demeure un chauffage électrique style grille-pain en appoint. Concernant la génération et les émetteurs thermiques remplaçables tels que les radiateurs, il sera par contre nécessaire que la législation évolue afin que les radiateurs soient considérés comme faisant partie de la collectivité. Ceci par le fait que c’est l’ensemble des radiateurs qui devra être changé lors d’un été à l’occasion de cette dernière étape alors que la mise en place des doubles ou triple vitrages peut à la rigueur continuer à s’échelonner sur plusieurs années selon les capacités financières des propriétaires (avec compensation financière pour ceux qui ont fait l’effort). Ceci en espérant que des efforts seront effectués pour mettre les prix pratiqués en France au niveau de nos voisins. Au travers de l’étude qui précède, les lutins thermiques estiment que les réglementations thermiques se doivent de prendre conscience qu’il n’y a pas que l’investissement passif sur le bâti et la domotique malheureusement absente de cet ouvrage qui permet d’économiser l’énergie. Les performances et l’efficacité énergétique de la génération sont un domaine qui doit maintenant être mis en œuvre en urgence pour des raisons sociales et économiques. Deux facteurs conjugués expliquent la raison du gain en énergie primaire de 17-5,8 = 11,2 tep : l’isolation des ouvertures et l’amélioration du COP de la pompe à chaleur du fait de la diminution de la température requise dans les nouveaux radiateurs. On observe qu’au fil des étapes la consommation d’énergie primaire est passée de 100 à moins de 7 tep ! Avec un coefficient D de 71 kWh/m², on est certes encore éloignés des habitations dites « passives », telles par exemple les logements sociaux en « presque tout bois » de Montreuil et leur coefficient D deux fois plus faible. Il faut dire qu’avant d’arriver à ce résultat, l’ancien bâtiment a dû être complètement démoli et le nouvel immeuble d’habitation en structure bois totalement reconstruit ! Quand on observe les résultats ci-dessus, on comprend pourquoi on commence à parler de guerre fratricide entre le gaz et l’électricité. Comment peut-il se faire que l’on n’ait pas encore compris qu’en combinant ces deux fluides au sein d’une même chaufferie et en procédant par étapes, on pouvait réduire progressivement et de façon plus que significative la consommation en énergie primaire ? Comment peut-il se faire que la réduction de cette consommation, tant souhaitable pour notre économie et notre devenir énergétique, n’ait pas été perçue plus tôt alors qu’elle allège la « douloureuse chauffage » des fins de mois et qu’elle résout le problème crucial de la précarité énergétique et les problèmes sociaux qu’elle engendre ? Et ceci pour longtemps vu que grâce au soleil, la nature est généreuse puisque la rivière et sa nappe libre recèlent en leur sein suffisamment d’énergie thermique renouvelable pour assurer le besoin thermique d’un habitat urbain ancien relativement difficile et onéreux à isoler après coup. Aux avantages ci-dessus s’ajoute le fait que la consommation en électricité et en gaz se répartit à parts sensiblement égales lors du fonctionnement de ce type de chaufferie. Quand l’on connaît les erreurs passées du « tout électrique par effet Joule » et celles qui commencent à naître dans le neuf avec le « tout gaz », on mesure tout l’intérêt de ces solutions qui ont pour avantage supplémentaire de diviser par 4, voire plus, les émissions de gaz à effet de serre, notion curieusement absente de la RT 2012. Omission regrettable condamnée par des personnalités prestigieuses qui estiment que la RT 2012 est un frein à l’innovation par le fait qu’elle ne donne pas sa chance aux solutions techniques innovantes permettant de limiter l’impact environnemental. L’ancien ministre du Budget, chargé d’une mission de simplification des normes dans le cadre de la modernisation de l’action publique, est encore plus critique à ce sujet puisqu’il estime que la RT 2012 est le symbole d’un échec par la démesure dans la rédaction. Cette réglementation présente, selon lui, une absence d’intelligibilité du droit et une complication de mise en œuvre. Il regrette que cette réglementation ne mentionne pas la nécessité de réduire les émissions de CO2, ne prenne pas en compte les territoires non reliés au réseau de distribution gazier en oubliant d’intégrer les singularités climatiques de ces mêmes territoires. Quand l’on sait que le climat est sensiblement deux fois plus rigoureux à Nancy qu’à Marseille, les lutins thermiques, omniprésents dans ce livre, s’étonnent de constater que le coefficient de la RT 2012, qui se fixe pour objectif d’évaluer les déperditions thermiques de l’habitation, ne fasse pas intervenir la température à l’extérieur du bâtiment. Selon eux, les coefficients utilisés pour évaluer les qualités thermiques d’un bâtiment seraient assurément plus représentatifs de ses réelles qualités d’isolation si l’on tenait compte des conditions de température locales. Ils estiment aussi à juste titre que tenir compte des conditions hivernales locales de température permettrait de mieux apprécier le besoin en puissance des nouvelles chaufferies. D’aucuns estiment également que le texte de la RT 2012 ne respecte pas l’esprit de la loi, ce qui rend l’application du droit illisible et tyrannique. « Élever au rang de la loi des recommandations techniques est une erreur si le modèle choisi n’est pas satisfaisant », estime l’ancien ministre du Budget, qui considère aussi que les orientations données peuvent être un frein au progrès scientifique et technique dans la mesure où elles compliquent inutilement le droit français déjà des plus complexes. Difficilement applicable dans la pratique en raison du « développement insensé dans les menus détails », le texte des quelque 1 400 pages qui composent la RT 2012 relèverait plutôt, selon lui, d’un état de l’art des techniques. De là à mettre en cause cette réglementation thermique pour expliquer le coût exorbitant des logements neufs en France et le recul de la construction neuve en terme quantitatif, il n’y a qu’un pas par le fait que les constructions neuves doivent se plier aux exigences de la RT 2012. L’objectif 500 000, qui prévoit annuellement la rénovation thermique de 500 000 logements, est loin d’être atteint dans l’ancien puisque l’on peine à dépasser la barre des 80 000. Compte tenu de ce qui précède, on peut se réjouir que la rénovation thermique de l’ancien n’ait pas à se plier globalement aux exigences de la RT 2012. Ceci dit, on peut malgré tout espérer que l’on pourra tirer profit de quelques bonnes idées de cette RT pour la rénovation. Quoi qu’il en soit, il apparaît qu’il est possible d’assurer le chauffage des bâtiments existants en zone urbaine et de satisfaire dans de bonnes conditions de confort nos besoins thermiques en consommant globalement moins de combustible et d’électricité. Ceci sans se plier à la trop grande exigence de la RT 2012 et en améliorant dans le même temps la pérennité du chauffage par rapport aux solutions actuelles. En effet, le gaz peut se substituer à la pompe à chaleur lors de son entretien et l’électricité au gaz en cas d’incident sur le réseau d’alimentation[4]. On peut ainsi parvenir à résoudre la rénovation énergétique dans l’ancien en zone urbaine dans ce sens en agissant sur trois postes complémentaires les uns des autres :

1. En améliorant le rendement et les performances de la génération thermique. Ceci à l’aide de chaufferies hybrides « gaz électricité » combinant ces deux fluides au sein d’une même chaufferie par le fait que :

. On améliore sensiblement le rendement de la combustion en ne fournissant que le besoin thermique avec des brûleurs modulants adaptant la puissance émise au besoin.

. On améliore nettement les performances de la chaufferie en abaissant les températures requises dans les émetteurs thermiques, ce qui privilégie le chauffage thermodynamique.

. On divise les consommations électriques par le COP de la pompe à chaleur en remplaçant les radiateurs électriques à effet Joule par des pompes à chaleur à compresseur.

2. En améliorant l’équilibrage thermique des immeubles équipés de radiateurs, voire de planchers chauffants hydrauliques, on baisse les températures à la source chaude en minimisant les différences de température à l’intérieur de l’immeuble d’habitation et les dépenses engendrées par le risque de surchauffe du bâtiment qui en résulte.

3. En améliorant l’isolation des parties communes telles que les terrasses ou les murs opaques, puis des parties privatives telles que les ouvertures vitrées, on profite de deux avantages :

. On réduit sensiblement le besoin en énergie en diminuant les pertes thermiques du bâtiment par les parois. On dit souvent à ce sujet que « l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas ».

. On améliore les performances du chauffage thermodynamique en diminuant le besoin en température dans les émetteurs thermiques. À ce sujet, on commence enfin à percevoir l’importance de cette deuxième notion grâce à l’arrivée sur le marché des radiateurs basse température. Celle-ci est essentielle puisqu’en améliorant le confort, elle conduit à une économie conséquente sur l’énergie primaire consommée. On pourrait en conséquence dire à ce sujet que « l’énergie la plus chère et la plus noble – l’électricité – est celle que l’on a consommée jusqu’à présent le plus mal pour le chauffage des habitations ».

 

On dit aussi souvent que la restauration énergétique des bâtiments existants est faite de cas particuliers. Certes, mais il y a une approche commune : cette restauration doit se faire étape par étape. Il y a tellement de paramètres qui interfèrent les uns avec les autres qu’il n’y a, semble-t-il, pas d’autre méthode pour évaluer les avantages procurés par l’étape précédente avant de franchir la suivante. Dans le cas présent et probablement pour la plupart des rénovations thermiques des immeubles, il semble donc préférable d’agir, dans un premier temps, uniquement sur la génération pour un même besoin thermique. Ceci en n’agissant qu’ultérieurement sur l’isolation des parties communes, puis sur les parties privatives du bâtiment telles que les ouvertures vitrées et les radiateurs basse température. L’idéal est bien évidemment d’agir sur ces trois postes pour profiter de leurs avantages respectifs mais, plutôt que de tout regrouper dans une même action, les échelonner permet non seulement de mieux comprendre leurs avantages respectifs mais également de faire ce qui est le plus urgent et le moins contraignant financièrement en premier. Ceci en laissant passer une année, voire plusieurs années s’il le faut, entre deux étapes pour mieux optimiser les performances et échelonner la dépense. Ceci aussi en veillant à ce que le temps de retour de la dépense (ROI) reste dans des limites raisonnables. Cette remarque, on l’a vu, est particulièrement valable pour l’isolation des ouvertures vitrées dans l’ancien qui peut affecter dangereusement le ROI. Plutôt que d’inciter le maître d’ouvrage, par des promesses d’aides fiscales accrues à tout faire d’un coup dans le cadre d’un « bouquet de travaux », nous ferions bien de revoir notre copie à ce sujet. En cette période de vaches maigres et de déficits publics, il devient urgent de créer les conditions qui rendent dans la mesure du possible l’aide inutile. Tenter de rendre l’aide inutile en ce qui concerne l’isolation du bâti, c’est trouver des solutions qui soient telles que le retour de la dépense résultant d’une amélioration de l’isolation des parties privatives du bâti, à savoir les coûteuses baies vitrées, s’évalue plutôt en années qu’en décennies ! Reste que tout n’est cependant pas perdu pour les copropriétés qui ont malgré tout choisi le scénario consistant à investir prioritairement dans l’isolation. Il y a en effet cette notion de température ressentie et cette sensation de paroi froide qui fait que l’on se sent incontestablement mieux lorsque la température intérieure de la paroi vitrée se rapproche de la température de la pièce de vie. Il ne s’agit plus seulement ici, chacun l’aura compris, de rentabiliser un investissement mais d’améliorer son bien-être. On peut donc comprendre que si les caisses ne sont pas totalement vides, on peut se laisser tenter. Ne serait-ce aussi que pour améliorer la valeur de son patrimoine ou le prix de revente du logement. Il y a aussi une contrepartie qui peut rassurer ceux qui se sont orientés dans cette voie. Cette contrepartie est intéressante par le fait qu’il est possible de rentabiliser après coup l’investissement de départ. Mais il y a à cela une condition, une condition qui relève du type de chaîne énergétique utilisée pour assurer la délivrance du nouveau flux thermique nécessaire au confort. C’est seulement dans la mesure où un emplacement permettant de loger le complément EnR aura été prévu en chaufferie que les copropriétés pourront bénéficier d’un meilleur retour de leur dépense lorsque la priorité a été donnée à l’isolation. Cela par le fait que l’énergie thermique renouvelable prélevée dans leur proche environnement étant gratuite, elles pourront retrouver un peu de pouvoir d’achat moyennant assistance fiscale. Ceci aussi par le fait que la température requise à la source chaude étant moindre, les performances du chauffage thermodynamique s’amélioreront d’autant, diminuant à nouveau la consommation en énergie primaire (on devrait en pratique dire finale vu que les compteurs sont disposés sur le lieu d’exploitation) et les frais d’exploitation qui en résultent. Pour l’essentiel, ce livre a prouvé que si l’on choisit le bon scénario et si l’on prend comme état de référence la consommation du « tout combustion fossile » ou du « tout électrique effet Joule », il est possible de réduire significativement la consommation d’énergie primaire pour le chauffage des bâtiments existants avec un retour sur investissement n’excédant pas dix ans. Ceci à condition de faire le bon choix dans la chronologie des actions prises. Voilà ce que pourrait être, dans un premier temps, la transition énergétique tant attendue du chauffage de l’habitat collectif existant dans les villes. Pour assimiler comment l’on peut parvenir à ce résultat, il ne suffira pas de comprendre comment l’on peut, en isolant un système, lui appliquer le principe de la conservation de l’énergie et tirer des conclusions sur le principe de fonctionnement des pompes à chaleur. Il ne suffira pas que certains aient des notions de thermicien et comprennent les notions suivantes :

- Un radiateur hydraulique conventionnel parcouru par de l’eau chaude émet une puissance thermique proportionnelle à sa surface et à la différence de température ∆T entre la pièce et celle du radiateur. Cette puissance émise est voisine de 10 watts/m² et °C de ∆ T pour les radiateurs en acier.

- Le pétrole est à ce point ancré dans la mesure de l’énergie consommée que l’on a défini une unité qui relie la masse du pétrole à l’énergie qu’elle recèle (la tonne équivalent pétrole ou tep). Ainsi est apparue la notion de pouvoir calorifique qui permet d’associer le débit de gaz en m3/h ou celui du fioul circulant dans le gicleur d’un brûleur et la puissance qu’il délivre. (On parle du pouvoir calorifique inférieur PCI du fioul lors de la combustion. Celui-ci est voisin de 10 kWh/litre. C’est ainsi que la puissance délivrée par un brûleur consommant 1 litre de fioul par heure est de 10 kW.)

- La plupart des radiateurs équipant les anciens immeubles étaient dimensionnés pour fonctionner à environ 70 °C, voire même à température plus élevée lorsqu’il fait froid de telle sorte que la température entre l’eau chaude circulant dans les radiateurs et l’ambiance de 20 °C qui règne dans les pièces à chauffer était parfois supérieure à 50 °C.

- Un radiateur électrique à effet Joule a un COP de 1, ce qui signifie que la puissance thermique qu’il délivre est égale à la puissance électrique qu’il consomme. Une pompe à chaleur a un COP annuel moyen généralement compris entre 2 et 6 (selon les types de pompe à chaleur et la différence de température entre les sources chaude et froide). Cela signifie que la puissance thermique qu’elle délivre est deux à six fois plus importante que la puissance électrique qu’elle consomme. Une pompe à chaleur à compresseur est donc a minima deux fois plus performante qu’un radiateur électrique.

 

La connaissance de ces notions ne suffira pas et le chemin sera encore long. Il faudra coordonner toutes ces actions en tenant compte du manque de place dans les grandes villes. Il faudra probablement accentuer notre effort dans la recherche et l’enseignement. On se rappelle qu’un responsable de l’ARC se demandait s’il n’y aurait pas chaînon manquant ou une profession à créer pour débloquer le système. Pourquoi, effectivement, ne pas créer en liaison étroite avec l’Allemagne une chaire d’automatisme industrielle européenne associée à un « conservatoire des arts et des techniques » ? Une chaire d’automatisme qui soit contiguë avec des laboratoires, une chaire capable de faire évoluer progressivement la chaufferie hybride vers son optimum en facilitant le travail du programmeur et les commutations d’un système à l’autre. L’enjeu est pour la France un chauffage de l’existant performant pour près de 30 millions de logements. Probablement le plus gros potentiel d’économie d’énergie et de réduction de GES dans notre pays. Il y a urgence si l’on considère qu’au rythme annuel de 100 000 rénovations, c’est plus de trois siècles qui seront nécessaires pour rénover le parc existant, voire plus. Il y a d’autant plus urgence que les caisses étant vides, la copropriété est tentée de repousser l’isolation ralentissant le mouvement. En donnant une vision des étapes à franchir pour résoudre le problème du chauffage urbain dans l’ancien, l’auteur espère favoriser la demande, première étape avant d’aborder la politique de l’offre qui reste à inventer, selon certains analystes responsables du pacte de responsabilité voulu par notre gouvernement. Il devient urgent que nous soit proposée une alternative claire à nos chaudières au fioul domestique ou au gaz, nous permettant à la fois d’améliorer la qualité de l’air dans nos cités et de résoudre nos problèmes climatiques. Notre intérêt est de créer un climat politique encourageant le développement de ces nouvelles techniques peu émettrices en GES. Mais mettre en place une politique de l’offre sous-entend qu’il y ait une demande conforme au besoin. Une demande qui soit formulée dans des termes clairs et compréhensibles pour ceux qui seront en charge de faire le travail. Un problème bien posé n’est-il pas comme l’on sait « à moitié résolu ». Dans le cadre de l’ordre de mission appelé PREH, qui a été assigné au préfet par nos ministres, on peut légitimement se demander comment le préfet pourrait, au titre de cette politique offre-demande et de l’étude de faisabilité, administrer et financer une structure de conseil associée à un dispositif de relance. Pourquoi ne mettrait-il pas en place une campagne publicitaire mettant en valeur le chauffage thermodynamique aquathermique, campagne publicitaire qui n’a pu être jusqu’ici financée par des organismes tels que l’AFPAC faute de crédit ? Le rôle du préfet ne devrait-il pas être plutôt celui de proposer que d’interdire ? Le lecteur jugera peut-être que ce livre remplace cette campagne publicitaire, l’avenir le dira. Quoi qu’il en soit, les responsables de cette chaire d’automatisme industrielle européenne proposée par les lutins, sorte de « conservatoire des arts et des techniques » contiguë avec des laboratoires, pourrait bien être le chaînon manquant pour franchir plus rapidement le long chemin qui mène à la transition énergétique. Une chaire capable de mettre en place tous les algorithmes de contrôle et de les concrétiser dans un système cohérent fixant les règles permettant de conseiller tous les acteurs, de telle sorte que la chaufferie hybride évolue progressivement vers son optimum. Une fois cette structure mise en place, les constructeurs et les prestataires n’ayant pas encore toute l’expérience requise à ce genre de réalisation pourraient alors, en s’appuyant sur cette structure, s’impliquer dans l’étude de faisabilité et dans la mise en œuvre. Il s’agira alors de l’expérience nécessaire à la mise en place de l’importante source froide puisque c’est elle qui prélève les EnR dans l’environnement. Pour résoudre le problème social du chauffage, chacun d’entre nous accepterait probablement de franchir le premier pas et de changer ses comportements, si on lui proposait en échange des solutions recevables pour son confort et son porte-monnaie. Il l’accepterait d’autant mieux que ces nouvelles solutions améliorent la pérennité de fonctionnement de la chaufferie en cas d’incident sur le réseau gaz. Chacun d’entre nous l’accepterait aussi, s’il a l’assurance qu’il ne sera un « cobaye » pressurisé par une fiscalité effrénée. Il estime en tout cas que vouloir comptabiliser l’énergie que consomme un appartement pour son chauffage, au prétexte que l’on doit payer ce que l’on consomme, est une erreur dans l’habitat ancien. Ceci pour la simple raison que l’énergie thermique circule librement à l’intérieur du bâti entre des appartements urbains aux surfaces habitables le plus souvent bien faibles, interdisant de les isoler par l’intérieur. Il reste à espérer que le texte de loi qui sera adopté en final au Parlement respectera la cohérence du choix de société qui va maintenant s’imposer à court terme et qu’il s’appuiera sur les trois piliers que sont l’économie afin de réduire la dette, le social pour faire baisser de la pauvreté et l’environnement afin que chacun d’entre nous vive dans un monde équilibré et favorable à sa santé, comme le stipule d’ailleurs notre Constitution. L’auteur estime que le projet de loi proposé sous la forme d’une formule au début de cette synthèse isolation-génération va dans ce sens. Le citoyen commence à voir d’un mauvais œil la lenteur avec laquelle les groupes de pression, qu’ils soient industriels, BE, entreprises plus ou moins spécialisées, évoluent vers ces techniques nouvelles. Il est temps qu’une nouvelle loi favorise l’éclosion, puis la généralisation du chauffage thermodynamique en finançant de grands projets d’infrastructures tels que l’alimentation en eau non potable des immeubles. Vu l’effondrement temporaire des prix du Brent, pourquoi l’État n’imposerait-il pas d’utiliser pour un temps les ressources de la fiscalité sur les produits fossiles, afin de solutionner le problème financier posé par l’alimentation en eau, afin d’éviter les forages souvent difficiles à réaliser en milieu urbain ?

Diagramme de Mollier avec le fluide caloporteur HFO1234ze

La durée de vie d’une pompe à chaleur étant estimée à une vingtaine d’années voire plus si elle est bien entretenue, il a semblé intéressant à l’auteur de faire l’étude enthalpique avec examen des niveaux de température et de pression supportés par les composants principaux de la pompe à chaleur (compresseur, condenseur, détendeur et évaporateur) avec un fluide caloporteur autre que le R134a dont le GWP de 1 340 a pour finir été jugé trop important lors du protocole de Kyoto pour pouvoir être considéré, comme cela avait été imaginé à l’origine, comme un fluide définitivement admis. Cette étude a été faite avec le HFO1234ze fabriqué par Honeywell, fluide caloporteur ayant un GWP de 6. Outre son innocuité pratiquement totale vis-à-vis de l’effet de serre, il présente l’avantage d’explorer les températures jusqu’à 90 °C voire plus avec un niveau de pression raisonnable comparable à l’ancien HFC R12 maintenant interdit.

1234N

Le fonctionnement avec les radiateurs basse température et l’aquathermie présente un avantage important qui vient en complément de ceux décrits précédemment : La pression est plus faible dans le condenseur ce qui réduit le risque de fuite et diminue la sollicitation mécanique de l’échangeur de température à contre-courant constituant ce condenseur. Les courbes pression-température du fluide HFO1234ze de la page 379 et le diagramme pression-température ci-dessus permettent de comprendre que des pressions de 8 à 14 bar sont suffisantes pour obtenir entre 40 et 65°C à la source chaude. On peut évaluer le coefficient de performance en mesurant les longueurs sur la figure. On trouve pour 65°C à la source chaude avec les radiateurs actuels  COP = Wc/Wm 4 ,5

Avec EnR = Wf = Wm (COP – 1) = 3,5 Wm soit une production d’EnR gratuite sensiblement 3,5 fois supérieure à la consommation électrique payante. On observe sur le diagramme de Mollier du HFO1234ze que chaque kg de fluide caloporteur traversant le condenseur génère une énergie sensiblement égale à 430 – 230 = 200 kJ. La puissance thermique délivrée par le condenseur est proportionnelle au débit massique du fluide caloporteur. Un débit massique de 1 kg/s délivrant une puissance de 200 kJ/s = 200 kW. Pour que cette puissance soit bien transmise au dispositif de chauffage la surface d’échange de l’échangeur à contre-courant constituant le condenseur, un compromis doit être trouvé par le constructeur de la PAC entre la différence de température des deux fluides circulant dans le primaire et le secondaire de l’échangeur à plaques et la surface d’échange (Voir coefficients d’échange page 99). Même remarque pour le transfert de puissance avec la réaction endothermique dans l’évaporateur. Avec de l’eau à 12°C à l’entrée de l’évaporateur et un fluide caloporteur à 0°C pour éviter le gel, la différence de température de quelques 10°C conduit à des surfaces d’échanges raisonnable et un encombrement de l’évaporateur particulièrement compact par rapport aux PAC aérothermique. Une fois le besoin en puissance établi, le volume de fluide caloporteur et le temps de cycle qui lui est associé est laissé à l’appréciation du constructeur de la pompe à chaleur.

 



[1] Le mille-feuille français viendrait-il enfin au secours de la société et du projet de loi proposé par les lutins thermiques ? Toujours est-il que Batiactu, fidèle vitrine vers l’innovation, stipule le 22 octobre 2014, que la cour de cassation vient de prendre un arrêt indiquant qu’une installation de pompe à chaleur, qu’elle soit du type air-eau ou eau-eau via un forage dans la nappe phréatique et ce quelle que soit l’importance des bâtiments, est considérée comme un « ouvrage » et doit à ce titre faire l’objet d’une garantie décennale, ce qui rend le constructeur responsable des dommages qui pourraient compromettre la solidité de l’ouvrage ou le rendre impropre à sa destination. Cet arrêt serait-il le point de départ d’une salutaire prise de conscience ? Une reconnaissance du fait que le prélèvement d’énergie thermique renouvelable dans l’environnement doit être considéré comme est une capacité de production ? Reconnaissance revenant, en quelque sorte, à reconsidérer notre modèle économique. Reste le deuxième volet stipulant que l’investissement devra être remboursé par les économies sur les combustibles à expiration de la première décennie. À ce sujet, l’auteur estime que les constructeurs ont tout intérêt à s’engouffrer dans la niche qui leur est proposée et il est confiant dans le fait qu’en continuant à assurer un entretien correct des fluides caloporteurs, le maître d’ouvrage peut rassurer les propriétaires occupants sur le fait que leur pouvoir d’achat s’améliorera les dix années suivantes.

[2] Avec un prix du gaz naturel plus élevé que le nôtre, les Allemands ont compris avant nous qu’il était souhaitable d’équilibrer dans la mesure du possible le coût des énergies primaires.

[3] La surélévation en copropriété fait l’objet de cours de formation abordant de nombreuses notions : surélévation directe par le syndicat de copropriétaires ou indirecte par le promoteur acheteur du droit de surélévation, défiscalisation, modification des tantièmes de charges, problèmes d’urbanisme (POS, PLU, RGU), droit de préemption, rôle des bailleurs sociaux, stabilité des sols, droit des voisins.

[4] Mail envoyé aux services du maire de Boulogne-Billancourt :

Monsieur,

Je réside à Boulogne-Billancourt. Suite aux soucis que vous avez rencontrés fin juin 2013, rue Gutenberg, lors de la rupture d’une canalisation d’alimentation en gaz, j’ai pensé qu’il fallait que je vous informe de notre projet de chaufferie hybride. Nous avons eu de la chance que cet incident survienne pendant l’été et l’on imagine les conséquences en ce qui concerne la pérennité du chauffage pour ces immeubles si celui-ci était survenu pendant l’hiver. Une chaufferie hybride qui peut tirer son énergie du gaz ou de l’électricité permettrait d’assurer la pérennité du chauffage en cas d’incident de cette nature. Elle présente d’autre part de nombreux avantages qui sont décrits dans le livre et dans les documents joints en annexe. Voilà plus de cinq ans que je travaille sur ce sujet et que j’espère, dans l’intérêt de tous, le faire aboutir. Bien cordialement à vous.

Balendard »