Energies renouvelables
contre biodiversité
Les nouvelles directives européennes viennent de fixer à la France deux
objectifs apparemment contradictoires, sauvegarder la biodiversité d'une part,
et développer les énergies renouvelables d'autre part. Les barrages
hydroélectriques qui fournissent actuellement la quasi-totalité de l'énergie
propre dans notre pays sont naturellement concernés par ces directives.
Les barrages : Une source d'énergie propre qui perturbe les rivières
Il y a en France environ 500 ouvrages
hydrauliques importants à grande retenue, "les barrages à
lacs". Construits en France principalement au milieu du siècle dernier ils produisent
environ 10% de l'électricité nationale. Ils permettent, trop peu souvent avec les
"lâchers d’eau", de descendre des parcours qui sans eux seraient à
sec en été, mais ils fournissent une électricité bon marché, mobilisable rapidement
et aisément lors des "pointes" de consommation. Il ne viendrait maintenant
à personne l'idée de contester que l'énergie électrique délivrée par ces grands
et imposants barrages hydroélectriques est une source d'énergie renouvelable, « propre »
et bon marché, qui ne dégage pas de gaz à effet de serre contrairement aux
centrales thermiques mobilisable aisément lors des "pointes" de
consommation. Le problème est que, défit à notre charte de l'environnement, la
quasi-totalité de l'énergie renouvelable de notre pays (environ 99%) est
assurée par ces barrages hydroélectriques. Cette production est relativement
faible en valeur relative en comparaison des conséquences importantes sur
l'équilibre écologique des cours d'eau qui en résulte. Mais comme on vient de
le dire, ces 10%, représentent tout de même
sensiblement l'équivalent de 5 réacteurs nucléaires de 900 mégawatts. Le petit
monde du Canoë-Kayak considère que ces grands "barrages à
lacs", font maintenant partie de notre
patrimoine énergétique. Correctement entretenus et utiles à la stabilisation du
réseau électrique, leur utilité et leur rentabilité est telle qu'elle se
saurait être contestée et l'on a petit à petit accepté leurs inconvénients.
La France, en accord avec
l’objectif de la directive européenne de doubler la part des énergies
renouvelables dans la production d'électricité à l’horizon 2020, soit de porter
ce pourcentage à 20% en lieu et place des quelques 10% actuels, ne saurait bien
évidemment se passer de ces barrages fournissant une énergie électrique,
renouvelable et propre et économique. Ce sont
certes des obstacles à la circulation, mais bien
entretenus pour maintenir leur dangerosité au niveau minimum, disons qu'ils
font partie de notre patrimoine. Il faudra faire avec. Par contre, vouloir confier à l’éolien l'essentiel de
cette progression dans l'espoir de limiter la génération de gaz à effet de
serre relève probablement de l’utopie. Ce n’est pas la puissance des éoliennes
lorsque le vent souffle à l’optimum qui est en cause, ce pourrait être
l'absence de puissance lorsque le vent fait défaut. La meilleure preuve est
bien ce qui arrive à un comme le Danemark qui a développé à grande
échelle la production d'énergie positive basée sur les éoliennes et est, de
tous les pays européens, le plus mauvais élève en terme de production de gaz à
effet de serre. Cette situation paradoxale s'explique par le fait qu’en
l’absence de vent, ce pays plat, sans grand barrage hydroélectrique, n'a actuellement
pas d'autre solution que d'assurer sa production électrique par la pire des
chaînes énergétique, celle consistant à utiliser des turbines à gaz pour
produire de l'électricité lorsque le vent fait défaut, ce qui est trop souvent
le cas. Quoiqu’il en soit, au moment où les
concessions de 75 ans attribuées à l’EDF pour la plupart de ses barrages arrivent
progressivement à échéance, il devient indispensable et urgent d’arrêter
de penser uniquement en terme d’hydroélectricité ou
d'éolien pour augmenter la part des énergies renouvelables. Force est de
constater en effet que la construction d'un barrage bloque l'écoulement
des sédiments, fait varier brutalement les débits en aval de celui-ci au
détriment de la sécurité, empêche ou freine la migration des poissons et nuit
au développement des activités nautiques dans notre pays qui souhaite
développer le tourisme.
Contrairement aux "barrages
à lacs" les "centrales au fil de l'eau" ne disposent pas de
capacité de stockage importante et ne produisent de l'électricité qu'en
fonction des apports en eau du moment. Leur production, trop souvent
irrégulière, dépend directement du niveau des eaux et des précipitations. Elles
sont parfois heureusement situées en plaine sur des cours d'eau dont le débit
reste important comme le Rhin ou le Rhône. Par contre, lorsqu’elles sont
situées sur le cours supérieur des rivières, les dommages importants qu'elles
créent en morcelant la rivière, en bloquant l'écoulement des sédiments,
en faisant varier brutalement les débits en aval au détriment de la sécurité,
et en empêchant ou en freinant les poissons migrateurs tels que l'anguille et
le saumon, ne sont pas compensés par leur production
énergétique qui reste faible et irrégulière. Extrêmement dangereuses,
elles n'ont pas de réserve supérieure significative et de ce fait, elle ne
présente d'intérêt, ni pour les sports d'eau plate, ni pour les sports d'eau
vive, les "lâchers d’eau", qui permettent parfois de descendre en été
un parcours qui serait normalement à sec étant trop courts. Si nous voulons redonner vie à nos rivières et sauver ce
qu’il en reste, les concessions qui arrivent progressivement à échéance pour
ces barrages ne devraient donc pas être renouvelées et en aucun cas de nouvelles
concessions accordées comme cela vient d’être le cas
sur le Rizzanese en Corse. Espérer limiter la
génération de gaz à effet de serre en augmentant les 0,3% de la production
totale de ces "Centrales au fil de l'eau" n'a pas de
sens. De même, évoquer le fait que la production
d’énergie renouvelable d’origine hydraulique pourrait diminuer sensiblement si
l’on augmente le débit qui doit rester dans la rivière (débit réservé) en
période de basses eaux, montre un mépris flagrant pour l’écosystème constitué
par la rivière. Réaliserait-on enfin que ces barrages hydroélectriques sont un obstacle aux
poissons migrateurs tels que l'anguille et le saumon ? Qu’ils empêchent la
descente du touriste nautique vers l’aval et surtout qu'ils affectent
l'écosystème constitué par la rivière ? Il devient indispensable et urgent
d’arrêter de penser uniquement en terme
d’hydroélectricité ou d'éolien pour augmenter la part des énergies
renouvelables. On ferait mieux en France de reconsidérer la façon dont on
consomme l'énergie électrique pour se chauffer.
Sur quelques rivières, se pose donc la question de la démolition de
quelques barrages de taille moyenne ayant vocation à produire de l'électricité
en raison de leur nuisance sur l'environnement. Le barrage de Poutès Monistrol sur
l’Allier figure parmi eux. Sa démolition, qui a été reportée depuis trop
longtemps semble maintenant devenue irrémédiable. On
conçoit que les pêcheurs et les écologistes se soient mobilisés contre l'ultime
verrou pour les saumons que constitue ce barrage voûte sur l'Allier. Il est
temps que leur vœux soient exaucés et que ce barrage soit démantelé afin de
rendre à la rivière son caractère naturel et au saumon son lieu de ponte. Cette
démolition serait une suite logique à la démolition du barrage de Saint-Etienne
du Vigan où l'Allier a retrouvé son charme naturel. Elle permettrait aux saumons d'atteindre les
meilleures frayères situées en amont et ces zones de galets où ils se
reproduisent. Le saumon a vu ses effectifs fondre de 99% depuis 1890. Lorsqu'il
choisit la rivière au fleuve en arrivant au Bec d'Allier, il ne se doute pas
qu'il va être bloqué en se dirigeant vers ses frayères, une centaine de km en
amont par les
Reste un type de barrage trop peu souvent évoqué appelé STEP qui
pourrait, moyennant une implantation sur nos petits torrents alpestres et une adaptation
de notre réseau, participer intelligemment à fournir les pointes de puissance
sans recourir aux énergies fossiles compte tenu de sa capacité à stocker l’énergie
électrique fournie par les éoliennes lorsque celui-ci souffle et à la restituer
à la demande.
Le tableau ci-dessous situe les « barrages au fil de l’eau »
par rapport aux principaux grands "barrages
à lacs",
Barrage |
Rivière |
Retenue |
Energie annuelle |
Surface retenue |
Type |
|
|
Millions m3 |
GWh/an |
Ha |
|
Les grands barrages
EDF |
|||||
Serre Ponçon |
Durance |
1270 |
700 |
2800 |
Poids |
Saint croix |
Verdon |
767 |
142 |
2180 |
Voute |
Vouglans |
Ain |
605 |
235 |
1600 |
Voute |
Bort |
Dordogne |
477 |
310 |
1070 |
Poids/voute |
Les barrages "au
fil de l'eau" |
|||||
Poutès |
Allier |
2,4 |
82 |
39 |
Ancien design |
La Roche qui Boit |
Sélune |
Une convention
signée en juin 2010 prévoit l'effacement de ces deux principaux barrages sur
la Sélune et la restauration du milieu aquatique formé par cette rivière à
saumons. |
|
||
Vézins |
Sélune |
|
|||
Zoza |
Rizzanese |
1,3 |
80 |
20 |
|
Le barrage de Poutès sur le haut Allier
1) Dans le cas des très longues rivières comme la
Loire, le succès du repeuplement dépend principalement de la capacité
physiologique des très jeunes saumons (smolts) à effectuer la très longue
migration de dévalaison et à s’adapter au milieu
marin. La qualité de l'eau à l'arrivée, c'est à dire dans l'estuaire de Saint
Nazaire joue également un rôle important pour le jeune saumon en début de
croissance.
2) La première bataille a été engagée et gagnée par Jacques Chirac avec l'ajout à notre constitution de la charte de l'environnement, la deuxième a malheureusement été perdue par l’ancien Président de la FFCK avec le barrage sur le Rizzanese ce qui ne signifie pas toutefois que la FFCK a perdu la guerre, la troisième véritable bataille pour la biodiversité, commencé sous l'action de Roberto Epple, Président de SOS Loire vivante il y a quelques mois est à venir, elle concerne le barrage de Poutès . Quant à la quatrième bataille, celle qui vise à arrêter de mutiler nos rivières avec les " centrales au fil de l'eau", elle ne fait que commencer. Les travaux du barrage de Zoza sur le Rizzanese suivent leur cours et l'on voit mal comment l'EDF pourrait trouver une solution technique l'autorisant à éviter l'effacement du barrage de Poutès en conservant la production électrique sans solutionner l'impact nuisible local sur la vie aquatique.
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